Plusieurs chefs de service de rééducation ont tenté de sensibiliser le Comité médical de remboursement de la Cnas sur la question. Le comité médical de la Cnas vient de notifier officiellement son rejet de la demande de remboursement des sondes lubrifiées pour auto-vidange de la vessie des blessés médullaires des patients atteints de spina-bifida et de sclérose en plaques. Cette décision scandaleuse va à l'encontre de l'avis d'un collège de professeurs en urologie et de médecins rééducateurs qui n'ont cessé, par le biais de multiples courriers transmis à la Cnas, d'insister sur la nécessité de l'auto-sondage pour la préservation de la fonction rénale et, par ricochet, le pronostic vital de ce genre de malades. Les blessés médullaires présentent typiquement une mauvaise coordination de la vessie, ainsi que des muscles de la paroi vésicale et du sphincter. Celle-ci se traduit par des contractions vésicales incontrôlées qui empêchent toute relaxation du sphincter. Jusque dans les années 1970, cette dysfonction conduisait, dans 80% des cas, au décès du patient des suites de complications rénales. C'est encore le cas chez nous, car la plupart des malades recourent aux sondes à demeure ou aux sondes jetables qu'ils réutilisent plusieurs fois. Si aujourd'hui, les sondes urinaires lubrifiées sont disponibles en Algérie, elles coûtent extrêmement cher. 200 à 300 DA l'unité. Soit un budget de 30 000 DA par malade, quand ce dernier dispose de la somme pour les acheter. Plusieurs chefs de service de rééducation ont tenté de sensibiliser le Comité médical de remboursement de la Cnas sur la question. Le professeur Nouar, chef de service de médecine physique et de réadaptation au CHU de Blida écrit : "L'avantage des sondes prélubrifiées par rapport aux sondes sèches étant confirmé, il serait justifié de reconsidérer les modalités de remboursement de ce produit pour les malades présentant des troubles mictionnels. Par ailleurs, les patients ayant une pathologie cervico-médullaire traumatique ou acquise et utilisant fréquemment ces sondes, méritent une gratuité pour l'acquisition de ce consommable compte tenu de l'irréversibilité de leurs lésions et des conséquences désastreuses auxquelles ils exposent leur appareil urinaire." Le professeur Nouacer, médecin et chef de service à l'établissement hospitalier spécialisé universitaire de médecine physique et réadaptation de Séraïdi, plaide également en faveur de l'acquisition gratuite de ce consommable, en raison de l'irréversibilité de la lésion mettant en jeu le pronostic vital et le nombre sans cesse croissant des demandes. Ce spécialiste témoigne : "En effet, en ce moment et à titre d'exemple, sur 126 lits d'hospitalisation que compte notre EHS, plus de 90 sont réservés aux malades lourds dont certains garderont des séquelles à vie telles que les vessies neurologiques qui nécessiteront un auto-sondage intermittent à une cadence d'environ 5 sondes pré-lubrifiées quotidiennement." Le professeur Amara, chef de service de rééducation fonctionnelle, dans une attestation transmise à la Cnas, écrit : "Les sondes urinaires auto-lubrifiées sont utiles dans le sondage intermittent pour plusieurs raisons : elles sont moins traumatisantes que les sondes classiques, présentent moins de risques infectieux vu qu'elles ne nécessitent pas de lubrification supplémentaire, d'où une manipulation en moins diminuant le risque infectieux." Le professeur Djaroud de l'établissement hospitalier d'Oran a tenu à préciser au Comité de remboursement de la Cnas, dans une ultime tentative de lui faire entendre raison, que le premier objectif de la prise en charge du patient souffrant d'incontinence urinaire est d'éviter les complications (infections urinaires basses, infections urinaires hautes et hémodialyse) qui vont augmenter la prise en charge de ce patient par la Cnas. Le deuxième objectif est de permettre les réinsertions sociale et professionnelle de ces malades "qui ne peuvent être obtenues qu'avec une éducation thérapeutique qui permet au patient de s'auto-sonder en étant en activité sociale et professionnelle et qui permet aux enfants atteints de spina-bifida d'être scolarisés sans pour autant être condamnés en utilisant des sondes à demeure avec collecteurs d'urines ou de couches". La commission Onaaph/Cnas, qui se réunit périodiquement pour enrichir la liste des médicaments et consommables, a été aussi approchée par la Fédération nationale des handicapés moteurs, lui expliquant que les sondes urinaires à usage unique utilisées cinq fois par jour par les blessés médullaires et les enfants atteints de spina-bifida permettaient à ces patients de vider par eux-mêmes leur vessie qui est paralysée et donc ne se vide pas spontanément. Les cadres d'une structure telle que la Cnas, de surcroît, pour certains d'entre eux, médecins, ne doivent, donc, en aucun cas ignorer ce système d'auto-vidange pour les vessies neurologiques, une méthode salutaire pour ce genre de patients pratiquée depuis plus de quarante ans dans le monde. Alors comment expliquer ce refus de remboursement après un tel plaidoyer de spécialistes ? L'argument financier ne tient pas la route. Faute de rééducation vésicale appropriée et répondant aux normes, tous les paraplégiques, tétraplégiques, malades atteints de sclérose en plaques ou spina-bifida finissent en dialyse. Une issue dramatique pour les patients, mais également très onéreuse pour la caisse de la Sécurité sociale. Constatons, un dialysé coûte 19 000 euros par an. 300 millions d'euros ont été affectés par l'Etat pour la seule hémodialyse en 2013. En assenant ce refus, le Comité médical de remboursement de la Cnas vient de mettre fin à un espoir entretenu depuis des mois. À l'annonce de la disponibilité des sondes urinaires lubrifiées en Algérie, le centre de rééducation de Tixeraïne a, en effet, entamé une campagne de sensibilisation et d'initiation des malades à l'auto-sondage. Il était prévu que les sondes urinaires à usage unique soient disponibles à l'Onaaph à partir du mois d'octobre 2013. Les malades auraient ainsi pu se les procurer gratuitement auprès de cet organisme, sur présentation d'une ordonnance et de la carte de la Sécurité sociale. Au mois de janvier dernier, la Fédération nationale des handicapés a créé le premier réseau des paraplégiques. Elle a ainsi recensé leurs besoins et enregistré leurs préoccupations. Cette fédération, présidée par Mme Atika El-Mameri, a demandé, par la suite, une audience auprès du ministre de la Santé, qui s'est montré extrêmement sensible à son exposé. Cette entrevue s'est soldée par la signature d'une convention avec le ministère de la Solidarité portant sur l'acquisition de ce consommable vital. La fédération s'est attelée à fournir aux malades ce matériel pour couvrir les besoins de trois mois en attendant que l'Onaaph prenne le relais. Seulement, en apprenant le refus du comité médical de la Cnas de rembourser les sondes urinaires à usage unique, l'Onaaph a décidé de mettre en vente son lot à des prix inaccessibles pour la plupart des malades, apprend-on auprès de la Fédération nationale des handicapés moteurs. Acculés, les handicapés moteurs et les parents des enfants atteints de spina-bifida se tournent vers les associations. "On les reçoit par contingents. Ce n'est pas possible de prendre en charge 3 millions de handicapés moteurs. Ce n'est pas la solution." D'autant que la convention signée avec le département de la Solidarité expire au mois d'août prochain et il n'est pas sûr que cette initiative soit reconduite. Par ce refus de remboursement, non seulement le comité de la Cnas commet une faute grave de gestion, mais aussi condamne des milliers de malades à une mort programmée. La Fédération nationale des handicapés moteurs a saisi le ministère de la Santé pour l'alerter sur les conséquences tragiques de ce refus et a lancé un SOS poignant lors des assises de la santé dont les travaux se tiennent au Palais de la nation. Ces deux initiatives seront suivies d'un sit-in des tétraplégiques et paraplégiques dont la date n'a pas encore été fixée. N. h. Nom Adresse email