Les personnes souffrant d'incontinence urinaire ont besoin d'une rééducation adaptée pour éviter les complications, induites notamment par les infections à répétition. Les capacités d'accueil des services de rééducation fonctionnelle sont nettement inférieures à une demande très forte. Le service de rééducation fonctionnelle de l'Etablissement hospitalier spécialisé (EHS) de Ben Aknoun est en chantier, depuis des mois. Les travaux d'aménagement ont démarré normalement, puis s'est posé l'obstacle de l'acquisition d'une dalle de sol non assortie à celle posée dans le reste des espaces. Selon le directeur général de l'hôpital, le problème a été résolu par le changement de la commande. “Il fallait harmoniser les espaces”, commente-t-il. De retour de son congé, qui prendra fin au début de novembre, le professeur Ahraz, chef de service de la rééducation fonctionnelle, trouvera certainement là motif à satisfaction. De nombreux malades souffrant d'incontinence urinaire aussi. Une convention, établie entre la direction de l'hôpital et la Caisse nationale de sécurité sociale, a doté le service, dirigé par le professeur Ahraz, des équipements de pointe pour pratiquer la cystomanométrie (examen urodynamique qui détermine le fonctionnement de la vessie, notamment si elle est neurologique) et la rééducation vésicale. Les personnes atteintes de blessures médullaires, sclérose en plaque, spina-bifida, ablation de la prostate… endurent tous l'incontinence urinaire. Ce qui les astreint à porter en permanence une sonde à demeure et une poche pour collecter les urines. Une contrainte qui met à mal la vie sociale, professionnelle et sexuelle du malade. En sus de l'inconfort qu'elle induit fatalement, l'incontinence urinaire entraîne, si elle est mal prise en charge, des infections à répétition, lesquelles mènent fatalement à la stérilité et à l'atteinte rénale grave. D'où l'urgence de rééduquer la vessie à une vidange contrôlée. “Le drame de la vessie neurologique est le résidu qui crée l'infection. Notre rôle est d'habituer les patients à une miction chaque demi- heure ou, quand c'est possible, toutes les deux heures. Il faut combiner cette rééducation par un autosondage le soir, afin de limiter au maximum les risques d'infection”, explique le professeur Ahraz. Il prévient néanmoins que la rééducation vésicale, longue et fastidieuse, exige de l'endurance aussi bien de la part du malade que de celle du médecin rééducateur. Il dit que le résultat est, de surcroît, pas toujours garanti. “C'est pour cela que je parle de confort et non pas de réussite. L'objectif est de donner une miction la plus physiologique possible avec un intervalle — entre deux mictions — d'une heure et demie à deux heures, et aussi de combattre le résidu”, souligne-t-il. Au-delà, les incontinents urinaires, même armés de la meilleure volonté qui soit pour mener une vie relativement normale, sont confrontés à la pénurie sporadique et à la cherté du matériel médical dont ils ont besoin. À titre d'exemple, les sondes sont vendues 100 dinars l'unité (la consommation quotidienne minimale est de 6 sondes par personnes), les péniflow à 30 dinars et les poches à 50 dinars. Pour l'heure, ce matériel n'est pas remboursé par la Cnas. À ces freins s'additionne le déficit de places dans les services qui procèdent à la rééducation de la vessie (hôpital de Tixeraine, Azur Plage, EHS Ben Aknoun et CHU de Blida), pour une demande très forte. La capacité d'accueil du service du professeur Ahraz est restreinte à une dizaine de patients par semaine, à raison de deux séances pour chacun. Actuellement, le nombre de malades traités est limité à deux par semaine, à cause de l'indisponibilité du local, soustrait à son activité par des travaux de réaménagement. “Nous travaillons un peu, mais dans des conditions lamentables. Il fallait commencer même dans un local exigu et dépourvu de commodités”, reconnaît notre interlocuteur. La non-préservation de l'intimité du patient le gêne particulièrement. “Actuellement, nous l'enveloppons dans un drap, pour l'envoyer vider sa vessie dans des toilettes, situées au fond du couloir”, regrette-t-il. Il assure, néanmoins, que les nouveaux locaux seront aménagés selon les normes requises pour la rééducation de la vessie. La science offre, par ailleurs, une autre option à l'incontinence de la vessie neurologique : la pose d'une prothèse sphinctérienne. Il faudra alors bénéficier d'un transfert à l'étranger, car aucune structure sanitaire dans le pays n'utilise cette technique de soins. Le professeur Ahraz la déconseille, l'estimant coûteuse et ne donnant pas systématiquement des résultats probants. Souhila Hammadi