C'est là une étonnante et intrigante fonction que celle que s'est donnée Louisa Hanoune, ou qu'on lui a donnée : s'opposer... aux opposants. Certes, l'on peut considérer que Hamrouche, ce n'est pas vraiment l'opposition. Et que ses divergences avec le régime en place relèvent du désaccord interne au système... Mais, la mauvaise gouvernance qui sévit depuis quinze ans, et qui confine à la maltraitance politique du pays, autorise tout citoyen à s'élever contre ce processus de destruction nationale. Louisa Hanoune a pourtant fondé sa carrière sur un patriotisme économique hypertrophié. Ainsi n'aura-t-elle cessé de dénoncer bruyamment la politique économique du régime sans jamais en dénoncer le premier responsable : Bouteflika. L'astuce est simple : elle accable tous les ministres successifs de l'Industrie pour pouvoir épargner le chef de l'Exécutif, dont ils appliquent le programme. Elle fait d'une pierre deux coups ; elle justifie son statut d'opposante en critiquant les ministres et préserve le vrai décideur. En plus de faire la sentinelle aux frontières, pour parer, un jour, au débarquement des GI's ou, un autre jour, au retour de l'armée coloniale, Louisa Hanoune monte aussi la garde devant le Palais d'El-Mouradia ! À peine sortie de sa rencontre avec le directeur de cabinet du Président, elle décoche une salve contre Mouloud Hamrouche, coupable d'être le dernier en date à s'être exprimé à nouveau sur le péril politique découlant de la reconduction, le 17 avril dernier, de ce régime. Et à la porte-parole du Parti des travailleurs d'interpeller l'ancien chef de gouvernement sur le fait qu'"il nous a brossé un tableau noir, comme si nous ne vivions pas dans un même pays". La réalité que nous vivons serait donc rose ! Pourtant, Hanoune admet que "c'est vrai, il y a des problèmes sociaux et un déficit de démocratie". Rien que ça ? Mais "pourquoi noircir la situation ?" Cela risque "d'alimenter la démoralisation de la population", ajoute-t-elle. Voilà donc la crainte de Louisa Hanoune : que la population se rende compte que la situation n'est pas aussi rose qu'on la lui présente. Au lieu d'éveiller l'attention de la population, pour ne pas dire la populace, "on ferait mieux de se triturer les méninges pour trouver des solutions". Mais si l'on s'en tient à la réaction du leader du PT contre Hamrouche — et contre tout ce qui pointe du doigt la dangerosité de la gestion Bouteflika — cette solution ne devrait, en aucun cas, reposer sur l'hypothèse d'un changement de régime. La transition ? Pour Hanoune, "elle ne fera que précipiter l'Algérie dans l'anarchie et diviser l'Armée nationale populaire", nous avertit-elle, comme pour nous faire peur. Et quand on rencontre le chef d'état-major la veille de s'engager dans une élection présidentielle, cela ne divise-t-il pas l'armée ?... Allons, on voit que la discussion autour du soi-disant projet de révision constitutionnelle a été franche. Le régime réussira, pour la quatrième mandature de suite, à entretenir des alliances dans... l'opposition ! Ouyahia a été d'"une grande disponibilité qui traduit une volonté d'ouverture politique". C'est de cette manière qu'un régime qui échoue continuellement peut sévir pendant vingt ans en échouant : en restant toujours ouvert, non pas aux propositions de ses adversaires, mais à leurs... offres de service ! M. H. [email protected] Nom Adresse email