Mechati vient de nous quitter après avoir résisté à toutes les vicissitudes de la vie. Il plaisantait souvent des traces laissées par les trop nombreuses interventions chirurgicales qu'il avait subies. Son corps était son parchemin mais son esprit gardait aussi les marques des vilenies dont il a été trop souvent l'objet. Voilà un homme né en 1921 à Constantine et qui a connu comme tant d'autres Algériens les années de disette, la faim et la misère. Engagé dans l'armée française à l'âge de 17 ans, il en revient en 1945 dans un Constantinois profondément marqué par les massacres du 8 mai. Il renoue avec Rachid Kaouas, son cousin et ses amis d'enfance Abderrahmane Guerras et Abdeslam Habbachi. Ils sont tous décidés à entrer en politique, dans l'action pour l'indépendance, l'istiqlal disait-on alors. Il ignorait que Guerras travaillait avec Mohamed Belouizdad à la structuration du PPA dans la capitale de l'Est et sa région. Il est choisi, de même que Habbachi, dans l'organisation clandestine pour s'occuper des liaisons avec les cellules de Nord constantinois et des Aurès. Il fait connaissance avec des éléments dont il ignorait tout mais qui auront un rôle marquant dans son histoire et celle du pays tout entier. Ils venaient d'Alger comme Lamine Debaghine, Zine el-Abidine (Hocine) Moumdji, Ahmed Haddanou dit Mohammed "el- kaba", mais aussi Didouche Mourad, Larbi Ben M'hidi. Leur quartier se structure et d'autres militants les rejoignent comme Rachid Mellah, Saïd Bouali. La maison des Haddad servait de base aux réunions des premières cellules de ce qui allait devenir l'O.S. du PPA. D'autres noms viendront s'inscrire dans sa mémoire comme ceux de Rabah Bitat, Abdelhafid Boussouf, Ramdane Benabdelmalek. Membre de l'O.S., il est affecté dans l'Algérois en septembre 1949, il va s'occuper des zones 1 et 2 et sillonner la campagne. Pour la zone 2, il y avait Birkhadem, Boudouaou, Bellefontaine (Tidjelabine), Ménerville (Thenia), Palestro (Lakhdaria), Médéa, Ksar El-Boukhari, Berrouaghia, Chellala. En 1951, on lui assigne la mission de s'occuper du Sud-oranais qui englobe Saïda, El-Bayadh, Mechria, Aïn Sefra, Beni Ounnif, Béchar, Kenadsa où il sera remplacé par Chihani Bachir. Puis il se déplace sur la daïra de Mostaganem, Mascara, Perrégaux où Benabdelmalek Ramdane lui succédera. Dans ce bref itinéraire, il croisera une grande partie des militants et responsables qu'il retrouvera à la réunion du Groupe des 21. Réunion historique qui va décider du sort de la nation. Pourtant, là ne va pas s'arrêter l'engagement de Mohamed Mechati. En octobre 1954, il doit partir pour la France, à Lyon où il est admis au sanatorium de la Pierre Bénie, son séjour sera de courte durée ; il est vite rappelé pour de nouvelles responsabilités dans l'organisation du tout premier comité fédéral du FLN en France. Arrêté en 1956, il restera à Fresnes jusqu'en 1961. Sorti de détention, il pérégrine de Belgique en Allemagne avant d'arriver en Suisse où il retourne au sanatorium pour soigner de graves séquelles pulmonaires. L'Indépendance pour laquelle il a tant combattu et sacrifié arrive. Il est nommé en mars 1963 en Allemagne comme Chargé d'affaires, puis aux Affaires consulaires. Ce passage dans le corps diplomatique, il en gardera un souvenir amer, car, entre-temps, les nouveaux promus et autres revanchards de la crise de l'été 1962 cherchent à le salir. Il est rappelé hors mouvement du corps diplomatique et traduit en justice : "Il y a eu un contrôle financier en Allemagne et ils ont trouvé un débit de 7 118 dinars !". Le voilà qui se trouve le lendemain matin, à la prison d'El-Harrach. Pendant 5 jours, sans boire ni manger jusqu'au moment où ses amis Doum et Bensalem ont alerté Ahmed Taleb El-Ibrahimi. À la suite de cette intervention, il est mis en liberté provisoire. Passé à nouveau devant les tribunaux, il est reconnu innocent et relaxé sans poursuite ni dépense. Le ministère des Finances a quand même fait appel et il passe une seconde fois devant les tribunaux qui, là encore, reconnaissent son innocence. Du coup, son traitement est débloqué et il arrive à acquérir un logement de 78 m2, un trois-pièces, au 3e étage, des immeubles Algéria où il se trouvait toujours avant de partir pour sa dernière demeure. Pars en paix cher Mohamed Mechati, les poules ne voleront jamais au-dessus des aigles. D. Dj. (*) Maître de conférences en histoire. Université d'Alger Le 4 juillet 2014 Nom Adresse email