L'ouvrage Parcours d'un militant de Mohamed Méchati, qui est paru récemment aux éditions Chihab, relate son itinéraire de militant de la première heure à l'intérieur du pays et à la Fédération de France du FLN. Ses mémoires sont sincères et se déclinent hors des sentiers battus. L'auteur, qui décrit son militantisme à travers les différentes étapes du mouvement national, fait un récit détaillé et fluide, comme le lui a dicté sa mémoire, une mémoire non sélective et fiable. De son enfance pauvre à Constantine, sa ville natale, Méchati nous transporte dans son parcours, avec son enrôlement comme télégraphiste dans le 7e régiment des tirailleurs. Une fois démobilisé, il travaille très jeune et fait ses classes de militantisme, d'autant qu'à Constantine, à cette époque, le mouvement national était en pleine effervescence. Son engagement au sein du PPA (Parti du peuple algérien) se fit très tôt. Chef de zone de l'OS à Alger sous les ordres de feu Mohamed Boudiaf (organisation paramilitaire), puis chef de région en Oranie et dans le Sud, il supervisait les comptes rendus et faisait la collecte des cotisations. Recherché pour ses activités politiques, Méchati est envoyé en France à la direction de la fédération du FLN. Au regard de son militantisme, il est arrêté et incarcéré en 1956 à Paris. De la prison de la Santé, il est emmené à Fresnes puis relâché en 1961. A l'indépendance, il est affecté comme conseiller avec le grade de ministre plénipotentiaire en Allemagne et comme ambassadeur en Hongrie. Accusé de mauvaise gestion, il est emprisonné en 1965 à El Harrach, suite au manque de preuves et grâce à l'intervention de son ami d'armes Ahmed Taleb Ibrahimi, ministre de l'Education à l'époque, il est acquitté. Dans ce contexte de la résistance nationale et activant comme militant ayant de lourdes responsabilités, Mohamed Méchati a été témoin et acteur lors des désaccords et tensions au sein du PPA/ MTLD. Il relate que les messalistes et centralistes se déchiraient dans des querelles intestines et de zaïmisme. Dans ce climat de troubles et de mésententes, Boudiaf initie la réunion des 21 qui, selon l'auteur, «s'est faite dans la précipitation, ce qui a déclenché le courroux du groupe de Constantine». L'ouvrage est compartimenté en huit chapitres ayant trait à son itinéraire de militant, tout en reflétant les faits marquants et en évoquant les personnes restées dans l'ombre.
Une passionnante leçon d'histoire Ce sont des pages d'une dévorante intensité pour cette quête de vérité historique. Méchati trouve son rythme dans ce témoignage et offre des rebondissements inattendus et surtout des vérités inavouées à ce jour. On reste impressionné par la vie de ce héros reliée à l'histoire de notre pays et on assiste à une passionnante leçon d'histoire avec ses dérives, dépassements et rebonds imprévisibles. Dans la dernière partie, l'auteur tente d'expliquer l'échec de notre système politique et économique en fouillant le passé qui reste tributaire de ce présent aléatoire et de cet avenir incertain. Il interpelle tout un chacun sur la situation actuelle et décrit les tourments d'un pays fracturé par la quête du pouvoir, l'autoritarisme, les désespoirs et les faillites sociales. Il rappelle les desseins inavoués et cette soif du pouvoir de certains chefs du mouvement national, tout en axant sur leurs stratagèmes utilisés pour museler et avec quelle dextérité ils ont su manipuler les militants de la base. A cet effet, beaucoup de vérités sur feu Mohamed Boudiaf et d'autres acteurs de l'histoire ainsi que les «sans voix», selon l'expression de l'auteur, qui sont mis sous le boisseau, car gênants, notamment Hocine Lahlou et Abderrahamane Guerras entre autres. C'est un récit poignant qui reflète cette quête de vérité pour une réhabilitation de l'histoire de notre pays. Mohamed Méchati, sans faire l'apologie de certains chefs et sans dénigrement, tente une réécriture de l'histoire avec ses excès et ses déviations comme elle s'est déroulée, avec objectivité, lui le témoin de certains faits. Son but n'est pas de raviver des querelles ou de salir la mémoire de certains défunts acteurs du mouvement national. D'une écriture coulante, à la manière des écrits de mémoires, cet ouvrage se lit aisément et offre des informations insoupçonnées. A lire expressément !