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Lettre du SG du SATEF à Mme la ministre de l'éducation
L'éducation : un secteur stratégique
Publié dans Liberté le 08 - 07 - 2014

Si la défense nationale est un secteur de souveraineté, le secteur de l'éducation est un secteur stratégique.
Shakespeare disait : "C'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles." Sans un système éducatif performant et compétitif, sachez que l'Algérie sera toujours à la traîne et parmi les pays du tiers-monde à jamais. Le classement de l'école algérienne au niveau mondial laisse à désirer, et pour tous les patriotes de ce pays c'est une honte et une hantise quotidienne. Regardons ce qui se passe en Corée du Sud et en Afrique du Sud pour ne citer que ces deux pays "émergents". Je ne citerai pas la Finlande et la Suisse, car c'est trop exagéré ! Ayez le courage de toucher au système éducatif, et la société algérienne ne se portera que mieux et bien. Tous les pays développés le sont par le savoir et rien que le savoir ! Notre système éducatif est dépassé, pour ne pas dire sinistré. Après l'Indépendance, les universitaires algériens étaient recherchés par les grandes universités mondiales pour leurs compétences et leur intelligence. Au baccalauréat de 1965, vingt candidats ont eu un 20 sur 20, et l'Académie française s'est réunie en urgence pour étudier et analyser ce phénomène ! Que nous reste-t-il aujourd'hui ? Nos yeux pour pleurer.
Des Algériens étaient majors de promotion dans les grandes universités mondiales de mathématiques et de physique. Aujourd'hui, nous produisons des analphabètes trilingues dépourvus de raisonnement et de simples notions de base de la logique. Est-il acceptable qu'aujourd'hui on supprime la leçon de "logique" dans le système éducatif algérien ? Peut-on concevoir l'enseignement des mathématiques sans le cours de logique ? L'auteur de ce crime doit être sanctionné et sans appel. Il doit répondre de l'abrutissement de toute une génération. Cette "génération normale" qui vous répond normal, même si sa réponse est illogique. Basta à l'impunité ! Cet abrutissement et ce bourrage de crâne ont généré une violence et une médiocrité dans la société algérienne que personne ne pourra corriger. Il a engendré avec la permissivité des pouvoirs publics que des droits même non mérités. La science et la technologie s'acquièrent avec des langues de la technologie, mais pas avec la langue de bois. Les enfants des pays du Golfe maîtrisent l'anglais et sans complexe aucun, alors que chez nous on continue toujours à parler de la langue du colonisateur ! à la fin de leur cursus scolaire du primaire, nos élèves ne savent ni lire ni écrire, encore moins compter, et des fois ils ne savent même pas écrire leur nom ni reproduire ce qu'on leur écrit au tableau ! Kateb Yacine disait de la langue française que c'est un butin de guerre et il a raison, mais certains ne voient dans le butin de guerre que les femmes ! Une différence de culture, bien sûr. L'affaire de Tiguentourine nous a ouvert les yeux sur notre capacité à exploiter nos richesses naturelles : il y avait dans cette base plus de trente nationalités. Dans les années soixante-dix, les instituts de Boumerdès (IAP, INH...) étaient des modèles pour la formation en hydrocarbures, et que sont-ils devenus aujourd'hui ?
Que forment nos universités ? Dans un futur très proche, l'Algérie aura à exploiter le gaz de schiste, mais avec quelle technologie et avec quels cadres et compétences ? Algériennes ou étrangères ? à méditer. Je sais que personne parmi nos valeureux dirigeants, ne s'en soucie et cela aussi est un crime. Aujourd'hui, l'école algérienne produit des analphabètes, car les programmes sont surchargés et manquent de cohérence. Les rythmes scolaires sont à revoir, vu l'immensité de notre territoire : en été au Sud et à partir de 10h du matin on ne peut pas mettre un lézard dehors, et en hiver il fait bon vivre. Au lieu de voir une bénédiction dans l'immensité de notre pays, nous en avons fait une malédiction, et au lieu de la voir comme richesse elle est devenue pour nous un problème : que Dieu nous aide ! Regardons le classement de ces pays émergents sur la scène internationale et découvrez le classement du Qatar et des émirats dans la gestion des ports commerciaux. En quelle langue le font-ils ? Ils se moquent de nous : des pays qui, dans un passé récent, n'étaient que des groupes d'oasis et de bédouins et que sont-ils devenus aujourd'hui ? Quel est notre classement, alors que les ports d'Algérie étaient bien classés dans les années soixante-dix ? Nous sommes devenus la risée du monde sans lever le petit doigt. Pourquoi l'Algérien est-il un génie à l'étranger et un abruti chez lui ? Nous devons libérer le génie algérien au sens propre du terme. Le seul critère de recrutement et d'accès aux responsabilités doit être la compétence et non le népotisme et le fils et fille de... Arrêtons le massacre ! La physionomie de la majorité de nos établissements scolaires est agressive et ne pousse guère nos enfants à s'empresser de rejoindre leurs écoles : manque d'espaces verts, de préaux, de foyers pour les élèves, de lieux de loisirs, etc. L'environnement extérieur est sale : drogue, présence de voyous aux abords des établissements sans que personne intervienne. Il y a absence délibérée de l'état et on se plaint de la violence en milieu scolaire !
La violence est partout dans notre pays, car l'école n'éduque plus comme les premières années de notre indépendance. La violence se pratique dans les deux sens : enseignant vers l'élève et vice-versa. Nos cantines scolaires sont des coupe-faim et la consistance des repas laisse à désirer, et dans ce domaine aussi le droit des élèves est détourné : la corruption et les détournements existent aussi dans le budget alloué aux cantines scolaires. Le chauffage aussi laisse à désirer, même dans les établissements urbains mitoyens des sièges de wilaya et de Directions de l'éducation. Où va cet argent ? C'est un crime que de détourner le droit des enfants innocents. Nous avons vu que plus l'état cède devant les élèves, plus ils demandent des droits virtuels et immérités, à l'exemple du seuil au bac. Nous devons réformer le bac, le BEM et la 5e et avec courage : il faut supprimer la deuxième session de la 5e (il n'y a que 3,49% qui refont la deuxième session), les recalés au BEM doivent être orientés avec courage à la formation professionnelle et ne pas faire du populisme en gardant des élèves au collège en âge de se marier ! Nous devons avoir une élite, et ce n'est pas une honte que de ne pas mettre les bons et les très mauvais élèves dans une même classe : ils les freinent.
Arrêtons le populisme
Nous sommes pour une école publique et de qualité pour tous, mais pour celui qui ne peut pas suivre et qui n'est pas fait pour les études il faut l'orienter à la formation professionnelle : l'Algérie a tant besoin de plombiers, de carreleurs, de maçons, d'électriciens, de mécaniciens et autres. Nous devons retourner à l'ancien système de six années au primaire, de quatre années au collège : déjà que le niveau de notre école est très bas, on se permet de supprimer une année au primaire et de charger nos enfants.
Ayons le courage de spécialiser notre enseignement et de ne pas faire dans le populisme en s'attaquant aux contenus des programmes : est-il acceptable d'enseigner à un enfant de huit ans comment laver un mort ou la torture de la tombe (adhab el-qabr) ou el-qadha wa el-qadr ? Soyons moins hypocrites et plus courageux si nous voulons faire avancer ce pays et tirer notre école vers le haut. Soixante-cinq pour cent de nos valeureux bacheliers pataugent en première année universitaire et triplent l'année !
Pourquoi ?
Parce que d'abord ils ne maîtrisent pas les langues étrangères (à l'examen du bac, on accorde pour certains la dispense en langue française) et il leur est difficile de comprendre l'énoncé du sujet, et secundo, ils n'ont jamais terminé leurs programmes au lycée, et par voie de conséquence leurs connaissances sont réduites ! à l'université de Tizi Ouzou-Bastos (et je ne citerai pas les autres universités), pour l'examen du module de mathématiques du premier semestre 2014, sur les deux cent quarante étudiants de la section de la première année, soixante-neuf étudiants ont eu un zéro – oui, un zéro – et les autres ont eu entre zéro et sept. Il n'y a pas de quoi être fier !
À qui la faute ?
Au seuil d'abord, puis aux pouvoirs publics qui les chouchoutent pour gagner la paix civile ! Mais pourquoi et malgré les grèves au cycle moyen, on n'applique pas le seuil à l'examen du BEM ? Tout le monde se souvient de la triche collective et publique à l'examen de philosophie de l'année 2013 !
Cette génération se croit tout permis et sans faire d'effort.
Quelle école voulons-nous avoir ?
Quelle éducation voulons-nous donner à nos enfants et à notre peuple ? L'enseignement des mathématiques ne représente que huit pour cent dans nos programmes et cherchez pourquoi le peuple algérien ne raisonne pas ! Dans les pays les plus développés, ils gardent toujours le système d'internat, et chez nous en Algérie, nous ne savons pas qui est ce génie qui l'a supprimé. Il devrait être promu !
On me répondra que c'était pour des raisons économiques, mais sachez aussi que l'Algérie a importé des véhicules pour la coquette somme de sept cents millions de dollars en 2012 ! Et de quelle qualité s'il vous plaît ! Le savoir n'a plus d'importance chez nous, et arrêtons de philosopher et de jubiler à chaque résultat du bac ! Pour classer les établissements scolaires selon le pourcentage obtenu au bac, il faut créer des indicateurs de référence.
Comment peut-on nous expliquer que ce sont les établissements scolaires des zones déshéritées qui sont toujours mieux classés aux différents examens nationaux, alors que ceux des zones urbaines et à proximité des structures de l'état et avec des budgets plus importants soient toujours à la traîne ? Nous le disons et nous persistons, c'est le monde de la belote.
Arrêtons de couvrir le soleil avec un tamis, le tamis doit être utilisé pour séparer le bon grain de l'ivraie. Continuons dans ce sillage et refusons de voir la réalité en face, et demain chacun endossera la responsabilité à l'autre et il n'y aura jamais de responsable de cette mascarade. L'impunité dans le monde de la belote.
B. A.
(*) Secrétaire général du Satef
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