Résumé : Après la scène qu'elles venaient de vivre et les commentaires acerbes, les femmes s'agglutinèrent devant les plats de couscous et les sucreries. Nora ne put avaler une seule bouchée. Malika, une cousine, vint lui proposer un café. La jeune fille refuse. Elle n'avait envie de rien. Malika hoche la tête : - C'était le cas pour moi le jour de mon mariage. Moi aussi j'avais refusé Ahmed, te rappelles-tu comment j'ai protesté en restant plusieurs jours sans rien avaler ? - Oui... mais tu as fini par accepter cet homme, Malika.... - C'est ça... mais bien plus tard, lorsque j'ai découvert que mon mari n'était pas du tout ce que je pensais. Ahmed s'est avéré être un homme très doux, très attentionné, et surtout il m'adorait. J'ai fini par l'apprécier et l'aimer. Cela fait plus de huit années que nous sommes mariés, et je remercie Dieu tous les jours de m'avoir fait rencontrer un homme tel que lui. Nora soupire : - Moi aussi j'ai remercié Dieu de m'avoir fait rencontrer Yazid. Mais, vois-tu, je n'ai pas eu ta chance dans ce domaine, et mon premier mariage a abouti à un divorce. Malika lui serre le bras : - Qu'à cela ne tienne... Tu vas te remarier et oublier le passé. - Tu crois ? - J'en suis certaine... Heu... je te comprends parfaitement Nora... Tu as peur de t'engager avec un homme aussi vieux que Achour... Mais dis-toi que, souvent, c'est auprès de ces hommes d'un certain âge qu'on rencontre le bonheur, car ils ont une grande expérience de la vie. Nora soupire encore : - Tu ne peux pas comprendre mon état d'âme, Malika... Ce Achour n'est ni le mari ni le gendre idéal. Mes parents se sont arrangés pour me larguer tel un linge sale, sous prétexte qu'une divorcée ne trouve pas facilement preneur. Mais ce n'était pas du tout la cause réelle. C'était juste un subterfuge pour m'éloigner de la maison. Ma mère n'est pas allée par quatre chemins pour me signifier que Adel devrait prendre femme, et que la chambre que j'occupe lui revient de droit. Ne trouves-tu pas injuste qu'on se débarrasse d'une fille afin de mettre à l'aise le garçon ? Malika garde le silence. Elle savait que Nora n'avait pas tort de juger ses parents sous cet angle. A plusieurs reprises, elle avait entendu sa tante Houria répéter, à qui voulait l'entendre, qu'elle avait enfin désamorcé une bombe qui menaçait d'exploser et de les engloutir sans crier gare. Elle soupire à son tour avant de lancer d'une petite voix : - Je ne sais quoi te dire Nora, mais tu as toute ma sympathie... Si jamais je peux faire quelque chose pour toi... - Merci Malika. Mais je crois qu'il n'y a plus rien à faire, mon cas est désespéré. Adel vint annoncer que Achour voulait partir et qu'il était temps pour sa sœur de les quitter. Tel un mouton qu'on emmenait à l'abattoir, Nora se lève en titubant, avant de s'accrocher à une chaise. Un vertige s'empare d'elle, et on dut lui faire boire un grand verre d'eau. - Elle souffre de l'émotion des mariées, lance une femme dans l'assistance. Des youyous se firent entendre, et la jeune femme dut emboîter le pas à son frère, qui s'effacera au milieu du couloir pour laisser passer Achour. Heureux comme pas un, ce dernier lui prend le bras, et se dirige tout bonnement vers la sortie. Le père de Nora embrasse sa fille sur le front avant de la faire passer sous son bras : - Va ma fille, va rejoindre ton destin... Que le bonheur soit ton compagnon pour le restant de tes jours. Nora sentit les larmes mouiller ses joues. Les paroles de son père la choquèrent. Elle savait qu'elle n'allait jamais connaître le bonheur avec un mari aussi ringard que Achour, qui d'ores et déjà faisait d'elle une prisonnière à vie. Une voiture les attendait au bas de l'immeuble. Nora monte sur le siège arrière, et Achour se met à ses côtés, avant de demander au chauffeur, qui n'était autre qu'un de ses petits-fils, de démarrer. La journée s'annonçait chaude. Nora étouffait dans sa robe en lin. Elle savait que les bouffées de chaleur qui remontaient le long de son dos, jusqu'à sa nuque, n'étaient pas dues au climat mais plutôt à sa nervosité et à son stress. Achour lui presse la main : - La route est un peu longue, mais nous allons arriver à la campagne avant la tombée de la nuit. Elle garde le silence, et telle une momie, se confine dans sa tristesse, tout en retirant sa main de celle de son mari. Il fit mine de prendre son geste pour une timidité, mais tout au fond de lui-même, il savait quelle impression il faisait sur la jeune femme. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email