En une semaine, deux avions transportant des civils sont tombés dans des zones à hauts risques sécuritaires. Si les conditions du crash du vol d'Air Algérie ne sont pas encore déterminées, il est avéré que celui de la Malaysian Airlines a été la cible d'un tir de missile-sol. Dès lors, les compagnies aériennes exigent un sérieux débat sur les conditions de survol des zones en conflit. Bien que la thèse d'une mauvaise météorologie soit fortement favorisée dans la recherche des causes du crash du vol AH 5017, la découverte de l'avion dans la région de Gossi (à l'est du Mali), dans un état désintégré, laisse perplexes les experts qui n'écartent pas la piste d'un attentat terroriste. Au-delà, l'appareil est tombé dans une zone difficile d'accès, de par sa topographie et aussi sa proximité avec la ville de Gao où se concentrent des groupes de djihadistes. Hier, lors d'une conférence de presse, le ministre français de la Défense, Jean Yves le Drian, a confirmé que les débris de l'avion ont été retrouvés "dans une zone qui n'a pas de conflit direct, mais qui connait des troubles sécuritaires sérieux. Nous faisons tout pour sécuriser les opérations sur le terrain". Ce drame intervient une semaine à peine après la tragédie du vol MH17 de la Malaysian Airlines, ciblé par un missile tiré du sol en Ukraine, un pays en conflit armé avec la Russie depuis presque une année. À ces deux tristes actualités, se greffent les raids aériens israéliens contre la bande de Gaza, qui durent depuis 17 jours, et surtout la chute d'une roquette à quelques kilomètres au nord des pistes de l'aéroport de Tel-Aviv. Ce qui a incité les compagnies aériennes, sur recommandation de l'Agence européenne pour la sécurité aérienne, à suspendre leurs vols vers la capitale d'Israël, avant de les reprendre progressivement pour certaines. D'autres, comme la Lufthansa Airlines, ont décidé de prolonger l'arrêt de la desserte de 24 heures, en attendant de mieux apprécier la situation. Jeudi 24 juillet, au moment où le sort du vol d'Air Algérie n'était pas encore fixé, l'Association européenne des compagnies aériennes (AEA) exige une reconsidération des règles de sécurité lors du survol des zones en conflit. "Le crash du vol MH17 de la Malaysian Airlines (...) et les récentes annulations de vols vers Tel-Aviv démontrent qu'un débat sur la manière dont les risques sont évalués par les autorités nationales est nécessaire", souligne l'organisation dans un communiqué, rendu public jeudi. "Un débat international sur les règles de sécurité dans l'espace aérien pour les compagnies aériennes (...) organisé de préférence par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)", poursuit-elle. Il est précisé qu'il n'est pas normal que les instances internationales ne prennent pas de décisions astreignant les compagnies aériennes à ne pas survoler les zones de conflit ni que les agences n'émettent un Notam spécial. Les Notam, qui signifient "Notice To Airmen" ou "messages aux navigants aériens", sont "des messages publiés par les agences gouvernementales de contrôle de la navigation aérienne dans le but d'informer les pilotes de modification d'une installation au sol, de présence d'obstacles à proximité d'un aéroport ou d'un quelconque autre danger pour la navigation aérienne. Il peut aussi définir des zones interdites de survol. Lors de la préparation d'un vol, le pilote doit consulter ces messages afin d'assurer une sécurité maximale tout au long de son voyage". Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, des mesures de sécurité draconiennes sont mises en œuvre dans les aéroports avant l'accès des passagers en zones mixtes, puis à l'embarquement. Moins de précautions sont prises pour garantir la sécurité des civils tout au long du vol. "Le crash du vol MH17 de la Malaysian Airlines, qui volait dans un espace aérien autorisé, suscite des questions sur la manière dont sont établies les évaluations de risques", estime le secrétaire général de l'AEA, qui demande de doter les compagnies aériennes de la latitude d'une évaluation indépendante des risques. D'autant que jusqu'alors, le survol ou non des zones de conflit par les avions de ligne ne fait pas l'objet d'une règlementation précise. Pourtant, les exemples de vols civils, pris pour cibles par des entités militaires ou des parties en conflits armés, sont nombreux. L'on se rappelle la mort tragique, en mai 1983, de l'ancien ministre des Affaires étrangères algérien, Mohammed Seddik Benyahia, de huit cadres de son département, d'un journaliste et de quatre membres de l'équipage. L'avion présidentiel qui les transportait est abattu par un tir missile tiré par un avion irakien, au dessus des frontières entre l'Iran et la Turquie. En 1980, l'armée française fait exploser un avion d'Alitalia, pris par erreur pour celui du président libyen Mouammar Kadhafi. Près de 300 victimes sont dénombrées. Par erreur également, un croiseur américain tire, en juillet 1988, sur l'airbus du vol 655 d'Iran Air et fait 290 victimes civiles. À la fin de la même année, le vol 103 Pan American World Airways explose au dessous de Lockerbie et fait 270 morts. L'attentat incrimine directement Kadhafi, qui finit par livrer, quelques années plus tard, ses deux auteurs présumés. Les dizaines de personnes mortes dans les attentats du 11 Septembre 2001 sont aussi des victimes collatérales d'antagonismes armés. S. H. Nom Adresse email