Si la crise constitutionnelle a été contournée par la parade d'une pause dans le processus de ratification, il n'en fut pas de même pour l'épineuse question du budget de l'Union s'étalant sur la période 2007-2013. Comme prévu, le rendez-vous de Bruxelles a abouti à un consensus quant à la nécessité de réfléchir à la meilleure manière de combler le fossé qui s'est creusé entre les dirigeants européens et leurs peuples. À la crise constitutionnelle est venue se greffer le problème financier, qui risque de bloquer sérieusement le fonctionnement de l'UE. Tony Blair a tenu tête à Jacques Chirac et Gerhard Schroeder sur la question du budget 2007-2013. S'en tenant au maintien des avantages dont bénéficie son pays, le Premier ministre britannique a refusé de faire des concessions. Londres a qualifié “d'inacceptable” le compromis proposé par le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, consistant en un gel temporaire de la contribution budgétaire britannique actuelle en contrepartie d'un engagement du gouvernement Blair à assumer plus tard sa quote-part totale. Pour rappel, la Grande-Bretagne bénéficie d'une importante ristourne, qui lui permet de récupérer la majeure partie de sa contribution au budget de l'UE, depuis juin 1984, lorsque Margaret Thatcher avait forcé la main aux dirigeants européens, notamment François Mitterrand, par sa fameuse phrase “I want my money back”, alors que la Grande-Bretagne traversait une crise économique grave. Mieux, Blair s'est même découvert des alliés, à la fin, pour le soutenir dans sa position, qui semblait pourtant indéfendable, tant Paris et Berlin semblaient persuadés de le faire plier. La Suède, la Hollande et l'Espagne se sont ainsi rangées du côté de la Grande-Bretagne, au grand dam du chef de l'Etat français, qui enregistre son second important revers politique en moins d'un mois, après la défaite des partisans de l'Europe en France. La veille, les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt-cinq pays membres de l'Union européenne se sont entendus pour s'accorder un temps de réflexion sur les correctifs à apporter à la Constitution européenne. Le président français a admis d'emblée qu'un véritable fossé s'était creusé entre les dirigeants européens et leurs peuples et que le moment était venu pour marquer une pause dans l'édification de l'Europe. Jacques Chirac estime qu'il faut d'abord regagner la confiance des peuples avant de penser à aller plus loin dans le projet. Ainsi, il a été décidé de retarder, pour une durée de neuf mois à une année, le processus de ratification de la Constitution européenne, entamé dans plusieurs pays, soit par référendum populaire soit au niveau des Parlements nationaux. Cette période pourrait s'avérer plus longue si l'on se réfère à la déclaration du ministre irlandais des Affaires étrangères, D. Ahern. Ce dernier n'a pas hésité à affirmer, jeudi soir dernier, qu'“il faut une période de réflexion ouverte”. Ce laps de temps devrait permettre de trouver des solutions à la crise que connaît l'Union européenne, à la lumière du double rejet du traité de Constitution par les Français et les Hollandais. L'occasion a été mise à profit par plusieurs pays, à l'instar de l'Irlande, du Danemark, de la république Tchèque et du Portugal, pour annoncer le report des référendums qu'ils envisageaient d'organiser prochainement. Cette remise en cause temporelle aura inévitablement une incidence sur l'élargissement de l'Union aux autres pays qui frappent à sa porte, dont l'entrée sera sans aucun doute décalée. Si la crise constitutionnelle a été contournée par la parade d'une pause dans le processus de ratification, il n'en fut pas de même pour l'épineuse question du budget de l'Union s'étalant sur la période 2007-2013. Car, campant sur leur position, les Britanniques ont refusé de faire des concessions. K. ABDELAKMEL