Quelles peuvent être les conséquences de ce nouvel élargissement de l'Union sur ses rapports avec ses partenaires du Sud? En donnant, mardi dernier, son feu vert à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne (UE), la Commission européenne a bouclé le long cycle de négociations entamées, depuis 1999, avec les 12 pays de l'Europe centrale et orientale en vue de leur intégration à la famille européenne. Lancé au lendemain de la chute du mur de Berlin, le projet politique d'une union à 27 Etats arrive à échéance. Sept années durant, responsables politiques, gestionnaires et autres institutions d'évaluation n'ont cessé d'aider, de suivre, d'évaluer... les futurs membres dans leur difficile chemin pour rejoindre la famille européenne. Un défi gigantesque, il faut le reconnaître, que se sont imposé les dirigeants européens et qu'ils ont mené à terme. Là est toute la leçon de l'histoire récente de la construction européenne. Face à une mondialisation galopante, à «l'agressivité» économique et politique des USA, au réveil asiatique...l'UE avait-elle d'autre alternative que celle de se solidariser, de s'agrandir? «Après ce nouvel élargissement, l'UE va observer une pause pour mieux digérer sa croissance, adapter ses instruments de fonctionnement -la Constitution-», a déclaré Manuel Barroso, le président de la Commission. Cette déclaration est, en fait, annonciatrice de la démarche politique future dont veut s'imprégner l'union. D'abord, trouver un consensus pour son fonctionnement, il s'agira de sortir des quelque 25.000 pages de textes réglementaires, dont le traité de Nice, qui lui servent de référence, pour aboutir à un seul texte constitutionnel. Les leçons des votes français et néerlandais négatifs du défunt projet de Constitution ont poussé les dirigeants des pays membres à associer les partenaires sociaux et la société civile à l'élaboration de la future Constitution. Ensuite, mettre une limite à l'élargissement. Car, ne l'oublions pas, la question de l'élargissement s'élaborait, dès 1999, autour d'une union à 27. Les pays des Balkans, tels le Kosovo, l'Albanie ou le Monténégro n'étaient pas dans l'agenda. Leur possible intégration relèverait d'un possible lointain futur. Quant à la Turquie, les nombreux signaux politiques et idéologiques donnés par les Européens, ainsi que les conditions économiques drastiques imposées à ce pays, sont suffisants pour lui enlever tout espoir d'être européenne un jour. Du reste, le niveau de développement de la Turquie est nettement supérieur à celui des deux nouveaux venus. Tirez-en vous-même la conclusion. A ce stade, quelles peuvent être les conséquences de ce nouvel élargissement de l'union sur ses rapports avec ses partenaires du Sud, notamment ceux du club euroméditerranéen? Les flux financiers concernant les aides et prêts subiront, à coup sûr, des découpes et une baisse d'intensité. La Roumanie et la Bulgarie, accusant de gros retards dans un nombre de domaines, seront, chose logique, prioritaires dans les appuis financiers. Par ailleurs, même si les nouveaux venus endossent automatiquement tous les accords, conventions et autres instruments de coopération internationaux de l'union, les pays euroméditerranéens sont appelés à revoir les termes des accords bilatéraux engagés avec la Bulgarie et la Roumanie. Chose, apparemment, logique et simple, mais combien compliquée et coûteuse dans les faits. Un exemple? Quelle sera l'attitude de l'union dans le conflit qui oppose la Libye, membre observateur dans le processus de Barcelone, à la Bulgarie, nouveau membre de l'union, dans le procès des infirmières accusées de crime en Libye? On connaît la position de principe de l'UE sur la question. Mais à compter du 1er janvier 2007, il va lui falloir s'engager plus concrètement. C'est la clause de solidarité sans conditions qui sera activée. Enfin, ce nouvel agrandissement de l'union ne peut ne pas nous interpeller, nous les pays du Sud, spécialement ceux du Maghreb, sur la sclérose et l'archaïsme politiques de nos dirigeants à dépasser leurs égoïsmes et leurs folies des grandeurs pour un peu de paix et de sérénité à leurs peuples. Car les peuples, eux, y aspirent de tous leurs voeux.