L'avant-projet de loi relatif au code du travail suscite le mécontentement dans les rangs des syndicats autonomes et de l'UGTA. Partenaire du gouvernement et associée à l'élaboration de la nouvelle mouture dudit projet, la Centrale syndicale UGTA est à présent "lâchée" par ses fédérations, certaines unions de wilaya et syndicats d'entreprise. Comme le souligne un observateur, ce projet éveille chez les syndicats autonomes et l'UGTA "un réflexe unitaire pour contrecarrer ce qui apparaît, dorénavant, comme une tentative de fournir la couverture juridique à une transition sociale néolibérale". Faut-il pour autant clamer que l'Algérie vit "la pire" des régressions depuis l'indépendance ? Aujourd'hui, le projet de code du travail est qualifié de tous les noms par les représentants des travailleurs, de "régression sociale" et de "remise en cause des acquis du monde du travail", de "lois antisociales" et de déclencheur "des futures tensions sociales", de "code régressif et répressif" et de "prime à l'exploitation", d'"anti-progrès" et d'"atteinte au droit syndical". Pour les syndicalistes, le travailleur salarié est touché "dans ses pleins droits", allant d'un emploi stable et décemment rémunéré au droit de grève et à l'activité syndicale. Plusieurs articles sont visés, comme celui lié au contrat du travail. Les autres craintes concernent notamment la généralisation du contrat à durée déterminée (CDD) et la précarisation annoncée de l'emploi, ainsi que la généralisation du travail des enfants et "la consécration de l'abus", même dans sa forme de harcèlement sexuel contre les femmes. Une classe politique bien silencieuse... Le projet de code du travail datant de 1990, selon certains, et de 2005, selon d'autres, est un texte qui semble obéir à la logique d'adhésion de notre pays à l'OMS, ce qui renvoie aux conditionnalités exigées par cette dernière, en termes d'ouverture économique tous azimuts. Mais les officiels s'en tiennent à un discours rassurant. Dans ses sorties médiatiques, le ministre du Travail, M. El-Ghazi, a fait savoir en effet que le nouveau code du travail va consacrer les acquis sociaux et les droits des travailleurs, mais qu'il prendra en compte "un certain nombre de paramètres", référence faite à la nouvelle conjoncture mondiale, aux lois en vigueur au sein de l'OIT et au développement de l'Algérie. Pour l'heure, ce texte continue de provoquer méfiance et interrogations dans certains milieux. Le débat s'est rapidement invité chez les syndicats, en raison des lourdes conséquences occasionnées par la nouvelle loi sur le monde du travail et de celles des nouveaux choix économiques, qui devraient suivre, sur le devenir de l'Etat national. L'autre organisation à se manifester est la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh), qui a exposé ses inquiétudes sur la réforme du code du travail, avant de plaider pour "le droit à une vie décente et à la dignité des travailleurs". Tout en dénonçant les atteintes aux droits économiques et sociaux des travailleurs, notamment la généralisation de la précarité du travail, la remise en cause du droit de grève et des libertés syndicales, la Laddh a appelé les gouvernants à ouvrir "un dialogue social" avec les syndicats, notamment avec les syndicats autonomes. Du côté de la classe politique, le débat tarde à s'engager. A ce niveau-là, c'est encore le silence, alors que le projet de code du travail concerne le sort de millions de salariés algériens et de leurs familles. Que répondre alors à ceux qui attestent que "les néo-libéraux organisent leur transition dans le silence complice des politiques" ? Seules exceptions : le Parti des travailleurs (PT) et des formations politiques issues du PAGS, ont réagi par rapport au projet de code, dénonçant les atteintes aux droits des travailleurs et au droit syndical. Pour le PT, ce texte participerait au "vrai retour à l'esclavagisme et à l'exploitation des femmes et des enfants". Le parti a également parlé du chantage exercé par certains patrons pour faire passer le projet de loi. Il s'est, en outre, élevé contre certains importateurs et opérateurs privés, en rejetant l'adhésion de notre pays à l'OMC. Pour la formation de Mme Hanoune, celle-ci entraînera "un vrai séisme social", ouvrira "l'économie nationale aux étrangers" et livrera nos ressources financières "aux rapaces étrangers et à leurs appendices locaux". Le PT s'est également exprimé sur l'opacité caractérisant la nouvelle orientation économique du pays, assurant que le projet sur le code du travail et celui sur la santé sont des "rouleaux compresseurs qui remettront en cause, à terme, les acquis de la Révolution de Novembre 1954". Le MDS, pour sa part, a dévoilé que le projet de code "privilégie les intérêts des forces de l'argent, qui se sont avérées comme le principal soutien du pouvoir à l'occasion de la dernière présidentielle". Quant au PADS, il a révélé que le texte annonce "le plan de la nouvelle offensive du gouvernement contre ce qui reste de conquêtes sociales des travailleurs". Il a constaté, en outre, que les lois sociales introduites en 1990, du temps de M. Hamrouche, "sont aggravées".