Après moult reports et une polémique politico-médiatique, le juge antiterroriste français, Marc Trévidic, est attendu à Alger demain. Les autorités judiciaires des deux pays ont fini par trouver un terrain d'entente, en vue de faire avancer l'enquête sur l'assassinat des moines de Tibhirine. Le juge et sa consœur, Nathalie Poux, ont obtenu d'Alger l'accord de principe pour assister à l'exhumation et l'autopsie d'une partie des corps (les têtes n'ayant jamais été retrouvées) des sept moines enlevés en 1996. Et contrairement à ses précédentes déclarations où il faisait état de blocages de la part des autorités algériennes, le juge Trévidic se montre, cette fois-ci, plus optimiste et accepte l'arrangement trouvé entre les autorités judiciaires des deux pays. Cet arrangement stipule que l'exhumation des corps se fera en présence d'un juge algérien, qui dispose de son équipe d'experts. Le juge Trévidic a précisé à RFI que "les spécialistes des deux pays travailleront ensemble, le juge algérien chapeautera et je serai présent. Nous sommes en Algérie, il ne faut pas l'oublier". Tout en se félicitant de la coopération judiciaire entre les deux pays, le juge français ne cache pas son optimisme. "Je suis sûr que cela va bien se passer." On est loin de ses déclarations enflammées en juillet dernier où il affirmait : "Il va falloir savoir si on se moque de nous." Mais, il y a lieu de mentionner que les autorités judiciaires algériennes n'étaient pas restées les bras croisés. Bien au contraire, l'été dernier, elles avaient demandé l'audition de deux anciens membres des services secrets français, à savoir Pierre le Doaré, ancien chef d'antenne des services secrets français (DGSE) à Alger (1994-1996), et Jean-Charles Marchiani, ancien officier du même service et ex-préfet du Var. C'est que l'affaire des moines de Tibhirine n'était pas aussi simple qu'on le pensait. Pour rappel, M. Marchiani, qui avait été chargé d'une mission auprès du Groupe islamique armé (GIA), auteur du rapt des religieux, avait été entendu fin mars 2012 par M. Trévidic. L'ancien préfet a confirmé au juge que la mission avait été décidée par le président français, Jacques Chirac, pour négocier une rançon, mais que le Premier ministre d'alors, Alain Juppé, qui n'en avait pas été informé, y a mis fin, signant "l'arrêt de mort des moines", selon le témoignage de M. Marchiani dans Le Parisien d'avril dernier. De son côté, Pierre le Doaré avait reçu un émissaire du GIA dans les locaux de l'ambassade de France à Alger, qui lui avait remis une preuve de vie des religieux en captivité, selon plusieurs témoignages et documents versés au dossier. Des témoignages de taille qui suffisent à rétablir les tenants et les aboutissants de cette affaire qui défraye la chronique depuis 1997. Certains milieux français voulaient à tout prix coller l'assassinat des moines à l'armée algérienne. Mais la demande algérienne d'auditionner les deux anciens des services français, laisse penser que celle-ci serait en possession de pièces à conviction confirmant que la tragédie de Tibhirine pourrait avoir été le résultat d'une négociation qui aurait mal tourné entre le GIA et la DGSE sachant que cette période était marquée par une guerre souterraine entre la DST (Pasqua-Marchiani) et la DGSE (Juppé-Rondot). A. B.