Le prix du baril va continuer de chuter. Les Saoudiens, qui pompent le tiers de la production de l'Opep, vont fixer les nouveaux paramètres du marché pétrolier mondial. Les Américains sont les premiers à en tirer profit. En revanche, l'Algérie perdra des plumes. Alors que des membres de l'Opep dont le Venezuela réclament des baisses de production afin de pousser les prix du pétrole au-dessus du niveau de 100 $, les autorités saoudiennes distillent des messages totalement différents : "Le royaume wahhabite acceptera un prix du baril en dessous de 90 $, et peut-être jusqu'à 80 $, sur une période d'une année ou deux", l'information a été donnée lundi dernier par l'agence Reuters qui a expliqué les objectifs de ce qui semble être une nouvelle approche énergétique de l'Arabie saoudite. Le plus important producteur de brut au sein de l'Opep avec 9,7 millions de barils/jour veut "ralentir l'expansion de producteurs concurrents". Du coup, les Saoudiens ont abandonné leur objectif qui était de maintenir le baril au niveau de 100 $ pour le Brent. Selon des sources anonymes citées par l'agence Reuters, cette stratégie, qui se confirme depuis la réduction considérable de ses prix de vente pour ses clients asiatiques, mettrait mal à l'aise certains pays membres de l'Opep dont les capacités de production ne sont pas importantes au point de supporter une baisse des prix qui pourraient avoisiner les 70 $. Dans le même temps, cette approche qui mettrait un frein à de nouveaux investissements dans le domaine du pétrole conventionnel favoriserait beaucoup plus les Américains qui vont mettre sur le marché leur production en pétrole et de gaz de schiste. Aidés par l'essor du schiste, les Etats-Unis semblent partis pour détrôner l'Arabie saoudite et la Russie comme premiers producteurs d'hydrocarbures liquides de la planète. Certes, en termes de production de brut seulement, la Russie et l'Arabie saoudite sont encore loin devant. Ils ont produit 10,6 mbj et 9,7 mbj respectivement en septembre contre seulement 8,8 mbj pour les Etats-Unis. Mais en ajoutant le gaz naturel liquéfié, la production en hydrocarbures liquides du pays le plus gourmand en brut de la planète est, depuis ces derniers mois, au coude-à-coude avec l'offre saoudienne et pourrait même la dépasser prochainement. Grâce au boom récent du pétrole non conventionnel, les Etats-Unis ont extrait 11,6 millions de barils par jour en juin et 11,5 mbj en août, comme l'Arabie saoudite, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui a abaissé hier ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2014 et 2015, du fait de la faiblesse de la croissance économique mondiale. Face à cette situation, l'Arabie saoudite, principal allié des USA dans le Golfe, qui pompe un tiers du pétrole de l'Opep affirme officiellement qu'il s'agit seulement de "consolider le marché mondial qui produit beaucoup plus de brut qu'il en consomme". Mais dans les faits, Ryad veut pousser les autres membres de l'organisation à le suivre dans sa démarche. Dans le cas contraire, il réduirait davantage les prix de façon unilatérale. Matt Smith de Schneider Electric n'a pas manqué de souligner que "l'Arabie saoudite, étant le membre le plus important du cartel, qui pompe environ un tiers du pétrole mondial, c'est lui qui en général fixe la tendance". Ce qui ne manquera pas d'affecter négativement le marché. Dans ce contexte, la réunion du 27 novembre prochain prévue à Vienne risque d'être tendue. Vendredi dernier, le Venezuela a appelé à "une guerre des prix" pour éviter que le baril ne tombe définitivement au-dessous de la barre des 100 $. Mais deux jours plus tard, Ali al-Omair, ministre du Pétrole de l'Arabie saoudite, a laissé entendre que "les prix devraient arrêter de tomber aux alentours de 76 à 77 $ le baril" en justifiant cette perspective par "les coûts de production dans des pays comme les Etats-Unis, où un boom du schiste a poussé la production à son plus haut niveau depuis les années 1980". Jusque-là, les membres de l'Opep ont affirmé que la chute des prix était un phénomène temporaire et que la demande saisonnière prévue en hiver allait booster les prix. Mais la tendance baissière se confirme davantage. Les prix du pétrole enregistraient un nouveau recul hier en cours d'échanges européens. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en novembre valait 87,83 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 1,06 dollar par rapport à la clôture de lundi, il était tombé auparavant à 87,59 dollars, un nouveau plus bas depuis le 1er décembre 2010. Dans les échanges électroniques sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de Light Sweet Crude (WTI) pour la même échéance perdait 96 cents, à 84,78 dollars. Un nombre croissant d'analystes pétroliers considèrent que la situation du marché mondial vit un "début de changement après une longue période de relative abondance". C'est dans cet esprit qu'il faut situer "la politique saoudienne qui, au lieu de lutter contre la baisse des prix et céder des parts de marché face à la concurrence croissante, semble se préparer plutôt pour un changement radical dans les prix". Robert Mc Nally, un conseiller de la Maison-Blanche de l'ancien président George W. Bush et responsable de la firme Rapidan Group a écrit dans une note destiné à ses clients en septembre dernier qu'il n'existe pratiquement plus de "politique de plafonnement des prix du baril en Arabie saoudite". S. T.