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La realpolitik de l’Élysée
Évolution des relations entre Alger et Paris
Publié dans Liberté le 17 - 04 - 2004

“La France n’a pas d’amis mais des intérêts.� Cette citation de De Gaulle trouve tout son sens dans le déplacement algérois de Jacques Chirac.
C’est certainement la première fois, depuis au moins le début des années de terrorisme, que la visite d’un chef d’État valorise autant l’Algérie. Bien évidemment, le président Bouteflika, fraîchement réélu à 84,99% des suffrages exprimés selon les résultats définitifs validés, lundi dernier, par le conseil constitutionnel, engrange de grandes dividendes de son déjeuner avec son homologue français avant la cérémonie de son investiture, programmée pour le 19 avril.
Mal élu en 1999 du fait du retrait, la veille du scrutin, de ses six adversaires de la bataille électorale, Bouteflika a eu droit à un plébiscite comme consécration de son second mandat. Une réélection fortement contestée à l’intérieur du pays, mais paradoxalement applaudie sans retenue par les “puissants� de ce monde. Par son dernier déplacement à Alger pour lui présenter en personne ses félicitations, le président français donne, sciemment ou malgré lui, une caution plus accrue, voire carrément une onction, à la réélection d’Abdelaziz Bouteflika. Au-delà de cet aspect, cette visite impromptue renforce le sentiment d’une Algérie qui se relève de sa descente aux enfers et retrouve peu à peu sa place dans “le concert des nations�, pour reprendre une expression chère à nos dirigeants. Il convient de reconnaître que les relations — particulièrement diplomatiques — entre l’Algérie et la France (pour ne citer que ce pays par souci de coller à l’actualité) n’ont jamais été aussi bonnes. Le rapprochement entre les deux pays devenait visible dès lors que les présidents Chirac et Bouteflika ont commencé à s’échanger, avec une régularité déconcertante, des visites de travail (trois passages de Jacques Chirac à Alger et cinq virées d’Abdelaziz Bouteflika à Paris en deux ans et demi).
Vraisemblablement, après les conflits passionnés des années postindépendance, puis les rapports ambigus entretenus durant la décennie du terrorisme, Paris a enfin compris qu’il lui était vital de construire des relations réellement privilégiées, dans tous les domaines s’entend, avec Alger, au risque d’être supplantée par les États-Unis.
Il était surtout temps que la France exploite un atout que ne peut lui ravir aucun autre pays : une page commune avec l’Algérie de 132 années de son histoire.
Cet héritage partagé a longtemps valu aux deux nations passions démesurées, déchirements, tiédeur des rapports bilatéraux… que la rencontre du défunt Houari Boumediene avec Valéry Giscard d’Estaing en 1975 et celle de Chadli Ben Djedid avec François Mitterrand dans les années 1980 n’ont pas réussi à transcender. Pendant longtemps, les relations entre Alger et Paris n’ont pas connu d’évolution normale, tanguant entre des périodes d’affermissement et de tension. La visite d’État de Jacques Chirac, en mars 2003, a marqué un tournant “historique� par la mise en œuvre d’une “refondation des relations algéro-françaises�. Une politique conjointe qui n’est assurément pas impulsée par de quelconques relents sentimentalistes, mais par une prise de conscience des uns et des autres de leurs intérêts économiques et politiques.
L’Algérie, seconde plus grande superficie du continent africain après le Soudan, qui recèle d’incommensurables richesses naturelles, occupe une situation géostratégique, qui lui attire les convoitises des plus influents pays occidentaux.
La course aux marchés, notamment dans le secteur des hydrocarbures, entre la France et les États-Unis est de notoriété publique.
Autre motif de concurrence, la volonté de chacun de ces deux pays à asseoir son hégémonie sur une région qui pourrait peser lourdement dans le remodelage de la configuration du Proche-Orient et par là même, la résolution du conflit israélo-palestinien et celui de l’Irak.
Peut-être que le déjeuner de Jacques Chirac avec son homologue algérien répond d’une stratégie de prendre de vitesse le président américain, qui a été le second chef d’État occidental (après curieusement le président français) à présenter, vendredi dernier, ses félicitations à Abdelaziz Bouteflika.
S. H.


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