Au moment où l'effervescence touche certains secteurs dans le Nord, le gouvernement met le cap sur le Sud (les zones frontalières) pour remonter le moral des troupes des services de sécurité engagées et rassurer aussi la population locale à travers des promesses de développement. Que peuvent bien dissimuler les visites, à bien des égards au caractère urgent, qu'effectue le Premier ministre dans les zones frontalières sud et est du pays ? S'agit-il seulement d'une "tournée des popotes", pour reprendre une expression du jargon militaire ? Le gouvernement cherche-t-il à remonter le moral des troupes d'autant qu'elles sont mises à rude épreuve dans un contexte régional explosif, en témoignent les récentes et nombreuses arrestations opérées aux frontières et l'interception de quantités de produits destinés à la contrebande ? Le gouvernement redoute-t-il quelques éventuels effets de contagion après la protestation inédite des forces de police à Ghardaïa et d'autres villes, comme Alger, Oran, Constantine et Khenchela ? Soupçonne-t-il quelque relâchement ? Ou alors soupçonne-t-il une menace imminente ? En tout cas, à voir l'importance de la délégation de l'Exécutif qui s'est déplacée à In Guezzam, à l'extrême sud de Tamanrasset, limitrophe du Niger, et à Bordj-Badji-Mokhtar, au sud d'Adrar, frontalière avec le Mali, tout comme le contenu du discours du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, sans compter les réunions qu'il a tenues avec les responsables militaires, civils et les notables de ces régions, nous sommes tentés de croire que le gouvernement fait de la sécurisation des frontières une priorité absolue. D'ailleurs, Sellal devrait se rendre dans les prochains jours dans les localités de Bordj-Omar-Driss et Debdab, à la frontière libyenne. "Assez de division et de manipulations. L'Algérie était, après la Syrie, l'autre cible de ceux qui n'ont pas compris que le peuple algérien est un peuple d'hommes libres et qui ont voulu l'entraîner dans l'instabilité", a-t-il lancé à Bordj-Badji-Mokhtar. À In Guezzam, il a exhorté les douaniers à soutenir l'effort des forces de l'ANP. Même la population est invitée à y contribuer. "Vous avez vu comment l'armée est déployée tout le long des frontières et comment l'Etat appuie son armée et ses services de sécurité, mais cela reste insuffisant. Ce sont les citoyens qui protègent le pays, c'est à vous de le protéger", a-t-il lancé à la population locale. Mais le gouvernement, qui s'appuie déjà sur l'action diplomatique, semble avoir pris toute la mesure que l'implication efficace de la population est tributaire du développement rapide de ces régions enclavées, laissées-pour-compte, où notamment les jeunes, en proie au chômage et aux conditions difficiles de survie, seraient tentés de se livrer à la contrebande. Ils pourraient même devenir des proies faciles à la criminalité organisée. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que Sellal a observé que "la stabilité dans les régions du Sud et la consolidation de la paix sociale en général passent par la stabilité des habitants, notamment les jeunes, en leur assurant l'emploi, le logement et une vie décente". Le défi est donc immense. Mais il peut être relevé, pour peu que les promesses soient tenues. Dans ce contexte, Sellal a promis que les régions frontalières du pays bénéficieront de nouveaux programmes de développement, afin de "rattraper certaines insuffisances, d'impulser une nouvelle dynamique de développement et d'améliorer le cadre de vie du citoyen". Il reste à les mettre à exécution, dans les plus brefs délais. Il y va de la sécurité du pays. Pour garder le Nord, l'Algérie est condamnée à développer son Sud.