Le marché est livré à lui-même. Cette situation n'est pas sans conséquences sur le consommateur qui voit son salaire s'effriter au fil des jours L'UGTA estimait, dans une étude élaborée en 2012, et consacrée au pouvoir d'achat, à 38 000 DA le budget familial nécessaire pour une famille de quatre personnes. Depuis, l'inflation n'a pas été inhibée et les salaires en ont pâti, rappelle Amar Takdjout, président de la fédération nationale de textile, cuir et habillement, affiliée à la centrale syndicale. Aujourd'hui, ajoute-il, il faut un gain salarial de 40 000 à 50 000 DA pour une famille de quatre personnes. A titre de rappel, une étude du Snapap indique qu'il faut un salaire minimum de 55 000 DA pour un famille de cinq personnes. Pour ce vieux routier syndicaliste, à l'accent franc quand il s'agit de l'entreprise, la question salariale ne saurait être dissociée du pouvoir d'achat et de leviers économiques. Et de s'interroger : "Les salaires, et dans la fonction publique et dans le secteur économique, ont été considérablement majorés ces dernières années. Est-ce pour autant que le pouvoir d'achat a été amélioré ? Moi, je dis qu'il ne l'a pas été, et les revenus des ménages ont été rattrapés par l'inflation." "Ce pouvoir d'achat, explique-il, il faut l'expurger des pesanteurs de notre environnement économique (régulation du marché, taxes, impôts dans l'électricité et le gaz...)." Et d'ajouter : "On veut se voiler la face. Le marché est livré à lui-même, et cela n'est pas sans conséquences sur le consommateur à qui on a augmenté le salaire à deux ou trois reprises. Si, par exemple, un produit est taxé à hauteur de 17%, cela, le commerçant va le répercuter sur le prix de détail. Et c'est le consommateur final qui va en payer les frais, et qui verra son salaire s'effriter au fil des jours." Mais que pensent les différentes missions du FMI qui viennent en Algérie, de manière périodique, faire un point de situation sur l'évolution de l'économie nationale dans son ensemble ? Le président de la fédération nationale de textile, cuir et habillement relève que ces experts du FMI n'opposent pas d'objection aux revalorisations salariales, indépendamment des secteurs où il y a eu plus d'augmentations de salaires. Toutefois, poursuit-il, ces missions formulent des recommandations qui n'ont pas valeur exécutoire, le pays n'étant plus sous surveillance du FMI. Elles expliquent, par exemple, qu'une spirale salariale sans contrepartie productive ne relève pas du rationnel économique. La politique salariale est loin d'être efficiente "A mon sens, souligne-t-il, la question des salaires, il y a nécessité d'en discuter, et de manière permanente, dans un cadre de dialogue sociale, car, aujourd'hui, ce cadre-là, il faut le réinventer." Il est vrai que les fonctionnaires de la police n'ont pas de syndicat, mais, estime-t-il, le dialogue est toujours possible pour régler des problèmes d'ordre salarial ou autre. Néanmoins, Amar Takdjout propose que l'on débatte sérieusement du pouvoir d'achat et de tous les éléments qui s'y rapportent. Mohamed Saïd Musette, chercheur au Cread, rappelle, lui, quelques leviers appliqués en économie de marché et leur lien aux salaires. Il dira ainsi que dans le secteur économique, il y a un seul levier, celui du SNMG, le reste est négociable entre employés et employeurs. Dans la fonction publique, il existe une grille des salaires préfixée. Et tout mouvement dans les salaires est soumis à discussions entre gouvernement et partenaires sociaux. En outre, chaque corps (armée, police, cadres supérieurs...) a ses spécificités. L'idée est qu'il y ait harmonie dans les secteurs, en prenant en considération les spécificités de chaque secteur, résume-t-il. Pr Boutaleb Kouider, universitaire, estime, quant à lui, que "sans trop nous étaler sur toutes les conséquences d'une distribution de revenus sans contrepartie productive (recours à l'importation pour satisfaire une demande de biens et services croissante face à une offre domestique inélastique), cela nous amène à parler de la conception de la politique nationale des salaires qui est, de mon point de vue, loin d'être efficiente au triple plan social, économique et politique : stabilité sociale, efficience économique (productivité) et équité." Dans la plupart des pays, l'Etat fixe, selon lui, non seulement les salaires de la fonction publique, mais détermine, de plus, le salaire minimum interprofessionnel garanti qui assure à tout salarié travaillant à temps complet une rémunération au moins égale à son montant et prévoit un mécanisme d'indexation sur les prix à la consommation, afin que le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes ne s'amenuise pas sous l'effet de l'inflation. Y. S.