La suspension partielle des négociations d'entrée de la Turquie dans l'UE envisagée par les 25 est le dernier d'une longue série de cahots qui plombent depuis près de 50 ans la volonté de ce pays, jugé pourtant stratégique, de rejoindre l'Europe. La Turquie a présenté, dès 1959, juste après la Grèce et 18 mois seulement après l'entrée en vigueur du Traité de Rome, une demande d'association à ce qu'on appelait alors le Marché commun. La Grèce voit son accord d'association avec la Communauté économique européenne entrer en vigueur dès 1962. La Turquie attendra deux ans de plus pour avoir le sien, qui évoque alors déjà “la possibilité d'une adhésion de la Turquie à la Communauté”. Cet accord sera gelé de 1980 à 1986 suite au coup d'Etat militaire en Turquie. Après la restauration d'un régime parlementaire, la Turquie pose sa candidature officielle à une adhésion en avril 1987. Mais la division de Chypre et les tensions avec la Grèce handicapent Ankara. Deux ans plus tard, la Commission émet un avis négatif, estimant que la Turquie n'est pas prête économiquement. Ankara s'impatiente ouvertement à partir du milieu des années 1990, lorsqu'elle voit les pays d'Europe centrale, arrivés bien après elle, avancer à grands pas vers l'Union. Le nouveau refus que lui opposent les Européens à Luxembourg, en 1997, est vécu comme un camouflet par les Turcs. L'UE affirme alors que les “conditions politiques et économiques permettant d'envisager des négociations d'adhésion ne sont pas réunies”. Deux ans plus tard, nouveau revirement : les Européens octroient à la Turquie le statut officiel de pays candidat. Mais il faudra attendre octobre 2005, soit six ans et une série de réformes en profondeur en Turquie, pour que l'UE accepte d'ouvrir officiellement les négociations d'adhésion avec Ankara. Celles-là mêmes qui sont menacées aujourd'hui. Par comparaison, la plupart des ex-pays communistes d'Europe centrale ont bouclé le parcours en 10 ans à peine : les premiers ont posé leur candidature en 1994, et sont entrés dans l'UE en 2004.