Les derniers développements en Côte d'Ivoire, avec à la clé une dizaine de morts parmi les troupes rebelles au régime de Gbagbo, abattus par les éléments de l'armée française qui y sont stationnés, augurent d'un enlisement dangereux de l'Hexagone dans ce conflit. Il risque même d'être fatal à la politique de la France. Pour cause, une fois n'est pas coutume, la force d'interposition dépêchée dans ce pays par l'Elysée a été trop loin dans sa mission de maintien de l'ordre. À Man, une région tombée entre les mains des mutins militaires, les auxiliaires français ont maté, sans état d'âme, les troupes opposées au régime de Laurent Gbagbo. C'est là un dérapage impardonnable pour une nation qui se gargarise de démocratie et de respect des droits de l'homme. C'est aussi une gifle à l'OUA qui s'est affublée de la dénomination pompeuse “d'union africaine” alors que les Etats membres sont incapables d'éviter le pourrissement de la situation en Côte d'Ivoire qui dure depuis deux mois. C'est un précédent grave pour la France qui, au nom d'un droit tutoral, contestable, se permet de jouer les redresseurs de torts dans un pays et plus généralement, dans un continent où une bonne vingtaine de potentats et de présidents fantoches avaient été installés aux commandes de leurs pays respectifs à partir de Paris. Si de tels conflits qui prennent l'allure de guerres civiles sont encore légion en Afrique, c'est d'abord le procès de la France coloniale que l'on devrait faire. En effet, pour avoir préparé et supervisé le catapultage de militaires incultes à la tête de ces jeunes Républiques et néanmoins anciennes colonies, la France est coupable d'avoir, quelque part, détourné le cheminement naturel des peuples de ces pays, pourquoi pas de la démocratie. Malheureusement, à défaut de république réellement démocratique, Paris s'est “fabriqué” des Dom-Tom africains, qu'elle fait valser au gré de ses intérêts. L'ère des Bokassa, Houphouët Boigny et Mobuto étant maintenant révolue, l'Elysée peine à trouver de jeunes lièvres pour assurer la relève dans des pays déchirés par la pauvreté, les conflits confessionnels mais aussi sevrés de démocratie et de liberté. Le droit d'ingérence n'est pas seulement d'aller tuer impunément des citoyens, fussent-ils des rebelles, dans un pays que l'on est censé avoir remis sur rail. H. M.