Les derniers développements, marqués par des accrochages meurtriers lundi soir entre les militaires français et les partisans de Gbagbo, indiquent que la situation va en s'aggravant. Un conseiller du président avance le chiffre de 50 morts. Abidjan ne décolère pas contre la présence française en Côte-d'Ivoire. Des manifestations s'y déroulent chaque jour, depuis samedi dernier. La foule, composée essentiellement de partisans du président ivoirien, exige le départ définitif et total des soldats français qualifiés de “troupes d'occupation”. L'appel au calme du chef de l'Etat ivoirien dimanche dernier et les garanties annoncées par Jacques Chirac de ne pas renverser Laurent Gbagbo n'ont apparemment eu aucun écho chez les manifestants. Ils ne veulent plus de la présence civile et militaire de la France en Côte-d'Ivoire. Ces harcèlements au quotidien ont fini par provoquer l'irréparable mardi dernier, lorsque les soldats français ont à nouveau ouvert le feu sur la foule. Celle-ci massée devant un centre d'évacuation pour étrangers, où s'étaient réfugiés des centaines d'Européens victimes d'actes de pillage, a été surprise par les tirs. Des scènes insoutenables de morts et de blessés gisant dans les rues ont été montrées par les chaînes de télévision. Les premiers bilans font état de 7 Ivoiriens tués et plus de 200 autres blessés lors de cet accrochage. La cellule de crise du ministre ivoirien des affaires sociales avance le chiffre de 30 morts depuis le déclenchement des hostilités, il y a maintenant une semaine. Hier matin, un proche conseiller de Gbagbo parle lui de 50 morts et de 600 blessés. Incontrôlables jusque-là, les manifestants risquent de passer à une étape supérieure dans leur action à la suite de la réaction violente des soldats français. En effet, un embrasement général est craint par les observateurs. Les heurts ne se limiteraient pas à Abidjan seulement, puisque les militaires français ont également été confrontés à des difficultés en voulant entrer à San Pedro, port d'exportation de cacao, principale ressource de la Côte-d'Ivoire. Conséquence, des centaines d'Ivoiriens ont fui leur pays en direction du Liberia, dans l'espoir de se mettre à l'abri. Cette situation montre clairement que la France fait étal d'une véritable démonstration de force, poussant les autorités locales dans leurs ultimes retranchements. Se considérant en situation de légitime défense, et soutenue par l'ONU, Paris continue à agir donc en position de force. Elle s'apprête même à faire voter par le conseil de sécurité des sanctions contre le régime de Laurent Gbagbo. Cette initiative rencontre, cependant, une opposition chinoise au sein de l'organe exécutif onusien. Pékin ne veut pas de sanctions hâtives, contrariant ainsi l'Elysée. La Côte-d'Ivoire a saisi, elle aussi, le conseil de sécurité demandant des mesures contre la France. Son ambassadeur auprès des Nations unies a accusé Paris d'avoir “humilié la Côte-d'Ivoire en détruisant une partie de sa flotte aérienne”. Pendant ce temps, l'Union africaine tente de parvenir à une solution à ce conflit naissant à travers la présence à Abidjan du président sud-africain Thabo Mbeki. De leur côté, les rebelles, qui occupent la moitié nord de la Côte-d'Ivoire, à en croire les estimations françaises, font tout pour acculer davantage le président. Evacuation des premiers Français L'évacuation des premiers Français de Côte-d'Ivoire a eu lieu, hier en fin de matinée, par avion, à destination de Paris, a indiqué le colonel Henry Aussavy, porte-parole des forces françaises dans ce pays. Ce premier avion de réfugiés, sous la protection des soldats français au 43e Bataillon d'infanterie de marine de Port Bouêt (Bima), la grande base française en Côte-d'Ivoire, devrait emmener en France quelque 270 personnes, selon cette source. Les personnes âgées ou malades, ainsi que les femmes et les enfants devraient être embarqués en priorité, selon cette source. Ces personnes ont passé la nuit à l'aéroport, proche du 43e Bima et sous contrôle de l'armée française depuis samedi. Deux autres avions étaient prévus dans la journée avec les mêmes capacités, selon le colonel Aussavy. Quelque 1 300 Européens, dont une très grande majorité de Français, se sont réfugiés au 43e Bima, et plus de 1 600 sont sous la protection de l'ONU à Abidjan. K. A