La démission de James Baker a fait réagir avant-hier la partie sahraouie. Dans un communiqué rendu public le 11 juin et rapporté par l'agence officielle sahraouie SPS, le ministre des Affaires étrangères de la Rasd l'a qualifiée de “sérieux revers” aux efforts déployés par l'ONU pour le parachèvement du processus de décolonisation de la dernière colonie en Afrique. M. Ould Salek a estimé que la démarche de l'ancien secrétaire d'Etat est une réponse à “attitude intransigeante” du régime marocain, qui aurait “délibérément saboter” toute solution “juste et pacifique”. Le ministre sahraoui a également laissé entendre que le Maroc, “qui a bénéficié à tout moment de l'appui et de l'alliance active de la France, pays qui dans la question du Sahara Occidental, a gravement manqué aux responsabilités qui lui sont confiées en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité”, est le motif non révélé, à l'origine du départ de James Baker, qui a pourtant consenti des “efforts énormes” durant sept ans. L'ambassadeur de la RASD à Alger nous a déclaré, hier, par téléphone, que la démission de l'envoyé personnel de Kofi Annan vient comme “une conséquence à la position de Rabat, marquée par de nombreux obstacles et retournements”. Pour M. Beïssat, l'attitude du Maroc et celle du Conseil de sécurité de l'ONU sont la cause de “la frustration” du diplomate américain. “Le Maroc a, depuis 1997, date à laquelle M. Baker a été désigné par le secrétaire général des Nations unies, mis en échec tous les efforts et propositions de l'ONU. Il a saboté les accords de Houston et les protocoles d'application de ces accords. Mais le Conseil de sécurité n'a rien fait pour obliger le Maroc à coopérer pleinement, pour l'application des résolutions. Il n'a décidé d'aucune sanction à son encontre. Le Maroc a aussi rejeté le plan Baker, qui a été adopté à l'unanimité par les membres du Conseil de sécurité, par les Sahraouis, les Français, les Espagnols et les Algériens. Seul le Maroc a dit non. Personne n'a levé le doigt pour remettre ce pays à sa place. Que peut faire alors M. Baker, ce grand monsieur ?”, a-t-il soutenu. L'ambassadeur sahraoui a en outre indiqué que James Baker a voulu, en démissionnant, délivrer “un message” aux Marocains, sans donner de détails. L'ancien secrétaire d'Etat ne voulait-il pas aussi, à travers sa démission, transmettre un message à l'Administration US, qui vient de signer un accord de libre-échange avec Rabat, de classer le Maroc comme un allié hors-Otan et d'inviter le roi Mohammed VI ? Le diplomate de la Rasd n'a pas voulu répondre à cette question. Un autre responsable sahraoui s'est exprimé sur l'événement, en l'occurrence le président de l'Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (Afapredesa). Abdessalam Omar Lahcen s'est dit “non surpris” par la démission de M. Baker. Selon le président de l'ONG sahraouie, le diplomate américain aurait dû démissionner en 1997, après l'échec des accords de Houston, pour “mettre à nu les véritables intentions du Maroc”. “La recherche de solution s'est avérée impossible, vu l'intransigeance du Maroc. On n'a pas vu d'évolution sur les autres sujets, comme ceux des disparus, des prisonniers de guerre sahraouis, sur la torture et l'arbitraire en général, exercés sur les Sahraouis des territoires occupés”, a-t-il soutenu. M. Omar Lahcen a par ailleurs estimé que “la déviation du processus de paix”, engagée à partir de 1997, “a fait perdre du temps à l'ONU, qui aurait pu surmonter depuis les difficultés qui étaient posées, comme celle des recours”. “Je crains que la démission de James Baker soit un prétexte pour s'engager dans une voie qui ne paraît pas innocente à nos yeux”, a encore conclu le président de l'Afapredesa. H. A.