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Dans les maquis de Béni-K'sila
Les groupes armés en ont fait leur base arrière
Publié dans Liberté le 21 - 06 - 2004

Le pire est que les terroristes disposent d'armes lourdes comme les FMPK ou le lance-roquettes de type RPG7. Ce qui explique, du moins en partie, leur capacité de nuisance dans la région.
Pendant trois jours, nous sommes allés sur les traces du Gspc dans ce qu'on pourrait appeler, par convenance, les maquis de Béni-K'sila. En fait, les terroristes se meuvent dans une immense région qui englobe les montagnes de Toudja, le mont Ivarissen qui surplombe la ville d'El-Kseur, la région de Béni-K'sila qui s'étend de la côte ouest de Béjaïa jusqu'à Adekar et la mythique et impénétrable forêt de l'Akfadou. C'est toute cette zone que l'armée ratisse actuellement. Des centaines et des centaines de kilomètres carrés constitués de maquis touffus, de forêts denses, de ravins et d'oueds encaissés où des bataillons entiers de terroristes pourraient avoir trouvé refuge. À ces reliefs accidentés et difficiles d'accès, il faut ajouter la proximité d'autres maquis, fiefs du GSPC depuis des années. Un groupe terroriste peut, pratiquement sans quitter la forêt, passer de Béni-K'sila à Bounaâmane par Ath Chaffaâ et Zekri et gagner le Mizrana en longeant les maquis qui bordent le littoral. Il peut également passer de la forêt de l'Akfadou à celle de Yakouren et d'Ath Idjeur et se retrouver dans les maquis de Takhoukht ou Sid Ali Bounab. Tous ces maquis, toutes ces forêts sont striés de sentiers muletiers, de pistes agricoles ou forestières, qui facilitent les déplacements pour les gens avertis.
La stratégie du GSPC
Au bout de trois jours passés dans les villages à interroger les citoyens, la stratégie du Gspc se dessine clairement. En fait, cette région servait de zone de repli, et pour ne pas attirer l'attention sur leur présence, les terroristes ont adopté deux principes généraux. Ne pas y commettre d'attentats de grande importance et ne rien entreprendre qui puisse retourner la population contre eux. Pour cela, les incursions dans les villages, les prêches sur les places publiques, l'attaque des débits de boissons, le racket et tout ce qui faisait l'essentiel des exactions de la nébuleuse terroriste ont été proscrits depuis 1994, année charnière qui a vu le déclin du GIA et l'émergence du Gspc. La situation de relative quiétude a brutalement changé ces derniers mois. Coup sur coup, deux attentats ont été commis sur des convois des services de sécurité. Le premier à Tighremt, contre une patrouille de gendarmes, a fait
7 morts. Le deuxième, le mercredi 2 juin 2004 à 16h, contre un convoi militaire qui revenait d'un ratissage, a fait 12 morts et plusieurs dizaines de blessés. Selon les dires d'un officier de l'armée, les terroristes avaient préparé cet attentat pendant une semaine. Près de 80 éléments y ont participé. Le pire est qu'ils disposaient d'armes lourdes, comme le Fmpk et le lance-roquettes de type RPG7. Détail macabre, les fous de Dieu poussent l'audace jusqu'à photographier leurs victimes pour les insérer sur leurs sites Internet. En ce début juin où la chaleur s'abat comme une chape de plomb sur la ville, El-Kseur grouille de policiers. Le commissariat ressemble à une ruche bourdonnante sur le point d'essaimer.
Tandis que les militaires, les gendarmes et les gardes communaux ratissent les maquis, les policiers s'apprêtent à débusquer les cellules dormantes et les réseaux de soutien tapis dans la ville. Une atmosphère suspicieuse s'installe, alimentée par des rumeurs d'arrestations et d'assauts imminents contre des caches terroristes. Berchiche est une cité d'allure assez bourgeoise au nord d'El-Kseur. Située en dehors de la ville, elle passe pour être un centre de ravitaillement des terroristes. La police y a déjà fait une descente et raflé une douzaine de suspects dans les milieux islamistes.
Un jeune commerçant se confie à nous : “Les barbus ne viennent pas se ravitailler eux-mêmes. Ils envoient des gens qui font partie de leur réseau de soutien logistique. Des gens au-dessus de tout soupçon. Ils paient et ils paient très bien. En général, ils ne viennent pas jusqu'ici. Ils s'arrêtent à Tercha.”
Des billets flambant neufs
À Ivarissen, petit hameau dans la commune de Toudja, un vieux paysan, qui s'en revenait des champs avec son âne chargé de nourriture pour ses bêtes, nous apprend qu'il n'a pas travaillé depuis 20 jours. Réalisant de petits travaux de maçonnerie du côté de Oued Dass, il ne veut plus s'y risquer depuis l'attentat de Tighremt auquel il a assisté de loin. Il redoute de les croiser au petit matin ou tard le soir quand il revient de son travail. Quant aux terroristes, il nous dit qu'ils n'ont pas d'horaires, qu'ils circulent généralement de nuit. Mais une chose est sûre, ceux qui les voient ne vont pas le crier sur tous les toits. Ils préfèrent garder le silence et s'éviter ainsi d'éventuels ennuis.
Un autre habitant, rencontré plus loin, raconte : “Ces salauds sont très riches. Ils n'ont aucun souci d'argent. La preuve, ils paient le double ou le triple du prix du produit demandé et avec… des billets flambant neufs !” Un détail qui a son importance car ces billets neufs proviendraient très probablement des différentes attaques de banque et de convoyeurs de fonds, qui ont eu lieu tout récemment à Azazga, El-Kseur, Tizi Ouzou et ailleurs. Cela explique également pourquoi ils n'ont plus recours au racket de citoyens comme cela se faisait avant. L'argent, le nerf de la guerre, coule apparemment à flot du côté de Oued Dass.
À Tizi n'Sebt, un carrefour qui mène à Toudja, Taourirt Ighil et El-Kseur, nous tombons sur un barrage de militaires et de gendarmes qui s'étonnent de voir des journalistes au milieu de ce maquis touffu où de faux barrages étaient souvent dressés. Il y a quelques semaines, un citoyen d'un village d'Adekar s'est fait intercepter ici même à minuit par un groupe terroriste. Passablement éméché, notre amateur de bière répond à la première question qu'on lui pose par une bravade. Un coup de crosse part à travers la vitre et lui fracasse la mâchoire. Une bastonnade en bonne et due forme s'ensuit, mais notre homme ne s'en laisse pas conter. Il défie ses bourreaux au combat d'homme à homme. Un défi qui ne sera pas relevé. Il sera finalement relâché après s'être fait délester d'une coquette somme d'argent destinée à l'affaire commerciale qu'il s'apprêtait à conclure. Au même endroit, un fourgon de transport de voyageurs s'était fait braquer quelque temps auparavant. Ses voyageurs gardés en otages, le propriétaire a dû faire une course bien malgré lui. Il n'a été relâché qu'à 2 heures du matin pour aller le lendemain porter plainte auprès de la gendarmerie.
À l'un des nombreux barrages mixtes dressés sur les routes principales et secondaires de la région, un gendarme nous confie son étonnement de voir autant de buvettes qui servent de l'alcool dans des endroits supposés être infestés de terroristes sans que propriétaires et clients ne soient inquiétés le moins du monde. Ce sont, en général, des cabanes de bois installées près d'un point d'eau au bord de la route, à la lisère de la forêt. Il ne va pas jusqu'à exprimer le fond de sa pensée mais il est clair qu'il les soupçonne de payer pour avoir la paix. D'autres militaires rencontrés plus loin regrettent ouvertement le peu de coopération de la population. “Ils les voient passer et ne viennent pas les signaler”, disent-ils.
Si beaucoup de citoyens ne vont pas spontanément vers les services de sécurité, le contraire est également valable. Ce manque de communication entre les uns et les autres n'est pas l'unique chaînon manquant dans la lutte antiterroriste. Les Patriotes ne sont pas payés depuis deux ans, avons-nous appris. Ils sont payés 9 000 DA par mois quand ils sortent sur le terrain. Pas de sortie, pas de paie. D'autres parlent ouvertement de traitements de faveur. On appelle les uns pour qu'ils se fassent un peu d'argent et on oublie les autres.
Retour aux sources
Une chose semble certaine, les terroristes ne sont pas des autochtones. Ils viendraient pour la plupart d'Alger ou de sa banlieue. Ce sont, en général, des natifs d'Alger, Birkhadem, Aïn Benian et Bab El-Oued. Cependant Cherif Gousmi, “émir” du GIA, est originaire d'Aït Abdelmoumène, village de Béni-K'sila. Il est à l'origine de l'installation des premiers maquis dans la région. Kamel Errih, autre “émir” du GIA, est originaire d'AIt Yahia, commune de Chemini. C'est lui qui a installé le premier QG du GIA à Akfadou en 1993. Cet ancien karatéka a longtemps fait parler de lui avant de disparaître dans la nature. Soussen Saïd, le numéro deux du groupe qui a perpétré le sanglant attentat à la bombe de l'aéroport d'Alger, est originaire d'Iksilen, commune de Taourirt Ighil, daïra d'Adekar. À propos de Soussen Saïd, quelques jours avant l'attentat de Oued Dass, des terroristes sont passés par son village d'origine tard la nuit. Ils s'arrêtent au niveau d'un groupe de jeunes en train de discuter et vérifient leur identité. Ils s'aperçoivent alors que l'un d'eux est apparenté à Soussen Saïd. Ils le saluent chaleureusement en mémoire de ce terroriste jugé et exécuté, et lui proposent une grosse somme d'argent en signe de reconnaissance.
Confus, celui-ci décline poliment l'offre. Djaffar El-Afghani, autre sanguinaire ayant tenu quelques mois à la tête du GIA, est originaire de Bounouh, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Comme ses acolytes, il a fait de son patelin d'origine un repaire d'intégristes armés. Lorsque la pression s'est accentuée sur les poches terroristes d'Alger et de la Mitidja, beaucoup d'éléments se sont rappelé les villages de leurs parents ou de leurs aïeux et décident d'y faire un retour aux sources. Pour ce fils de l'Akfadou qui connaît bien sa région et avec lequel nous nous sommes entretenus, le mot source il faut le prendre au sens propre comme au sens figuré car les terroristes s'installent toujours près d'un point d'eau. L'existence d'une source ou d'un cours d'eau à proximité est l'une des premières conditions pour l'installation d'une casemate.
Malheureusement, pour ceux qui y verraient un indice de recherche, l'eau est à l'Akfadou ce que le sable est au désert du Sahara.
Là-bas, Dieu seul peut te voir
D'autres habitants rencontrés ici et là sont unanimes sur un autre point. Les anciennes maisons relevant de l'Ontf, le service des forêts, abandonnées pour la plupart après l'avènement du terrorisme, sont presque toujours devenues des refuges utilisés par les sbires de Hattab. Notamment le site du Lac Noir, Agoulmime Averkane, au beau milieu de la forêt de l'Akfadou et la maison désignée sous le nom de Akham Ouroumi, isolée au milieu d'une luxuriante végétation, tout près de Tercha. Aux dires des uns et des autres, cette bâtisse sert encore aujourd'hui de refuge. “Quand tu es là-bas, Dieu seul peut te voir”, lâche, en guise de commentaire, un vieux chasseur qui ne s'aventure plus dans les bois et les sous-bois depuis longtemps déjà. Ses chevrotines, il les réserve au premier barbu qui aura l'audace de franchir le seuil de sa maison.
Djebla est le chef-lieu de commune de Béni-K'sila. Dans un café, autour d'une limonade bien fraîche, nous interrogeons quelques habitants sur les mouvements terroristes. Tous disent qu'ils n'ont rien à signaler et qu'il ne s'est absolument rien passé ici depuis 1996. Du côté de Béni-K'sila, vers la mer, comme du côté d'Adekar, la circulation automobile est normale. Les fourgons vont et viennent le plus normalement du monde. Seul fait anodin, le chauffeur de l'une de ces navettes affirme avoir vu au loin un groupe de gens qui faisaient du footing à l'aube.
En voulant les rattraper, ils avaient quitté la route et disparu dans la nature. La route qui mène de Djebla jusqu'à la mer est déserte. C'est une piste défoncée et bordée de maquis de part et d'autre. Elle traverse un seul hameau complètement fantomatique qui accentue ce malaise et cette angoisse sourde qui vous prennent quand vous l'empruntez et qui ne s'évanouissent que lorsque vous accédez enfin à la RN24 qui longe la côte entre Bougie et Azeffoun.
D. A. et L. O.


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