Si la chronique d'un match de football se nourrit régulièrement d'arrêts déterminants et de buts décisifs, il est rare qu'un seul et même joueur soit salué en héros dans les deux exercices comme l'a été hier Ricardo, le gardien du Portugal désormais demi-finaliste de l'Euro-2004. Main ferme, pied sûr et tête solide, c'est lui qui, en une grosse minute, a scellé la défaite de l'Angleterre jeudi à Lisbonne au bout du bout d'un quart de finale qui n'a livré son verdict qu'à l'issue de la séance de tirs au but. Au terme de la prolongation, les deux équipes étaient à égalité 2 à 2. Douze tirs au but n'ont pas réussi à les départager : un échec et cinq réussites de part et d'autre. L'Anglais Darius Vassell prend son tour. Ricardo plonge sur sa gauche et repousse le ballon. Sa joie explose quelques secondes, mais il se ressaisit immédiatement. C'est lui qui, pour le Portugal, va être le prochain tireur, s'il marque, son équipe est qualifiée. Il marque et sa joie explose de très longues minutes. À 28 ans, Ricardo Pereira — son nom complet —, qui était à peine titulaire à l'entame de cet Euro, vient de poser sa griffe sur le tournoi. Quoi qu'il arrive désormais, cette minute pendant laquelle il a été tour à tour sauveur et bourreau aura fait de lui un héros. “C'est sûrement l'arrêt le plus important de toute ma carrière, car il est intervenu lors de l'un des matches les plus importants de la sélection nationale”, se réjouit-il en montant dans le car qui doit emmener l'équipe célébrer son succès. Heureux mais conscient de la part de hasard que comporte l'exploit. “Vous pouvez visionner autant de vidéos que vous voulez, quand vous êtes en face à face avec le tireur, c'est essentiellement une affaire d'intuition. J'ai juste eu le bonheur de faire le bon choix”, explique-t-il. “Quant à me transformer tout de suite après en tireur, c'est une éventualité à laquelle j'avais pensée si la situation le commandait”, a-t-il seulement indiqué. Sans que l'on sache vraiment si la décision a été spontanée ou si elle avait été programmée. Bloqué par la foule, inhabituelle pour lui, de journalistes sur le marchepied du car, il doit désormais avoir des avis sur tout. Un exercice auquel il se prête avec sourire et humour. Entre Suède et Pays-Bas, quel adversaire préférerait-il rencontrer en demi-finale le 30 juillet ? “Le Liechtenstein !” Plus sérieusement, il estime qu'aucun des matches à venir ne pourra être plus difficile que celui que le Portugal a livré contre l'Angleterre. “On a senti le vent du boulet. Les Anglais nous ont cueillis à froid. Quand ils ont marqué leur premier but (3e minute) par Michael Owen, on n'avait pas encore enclenché la première vitesse”, se remémore-t-il. “Il nous reste maintenant à récupérer”, conclut-il. Le car va bientôt démarrer.