La délégation du comité national pour la libération de Benchicou et de Hafnaoui a détaillé la situation dans laquelle se débat la corporation des journalistes en Algérie. “C'était très bien. Nous sommes satisfaits de ce que nous avons fait aujourd'hui”. Dans le train qui le ramenait à Paris, Omar Belhouchet ne veut pas commenter longuement la journée marathon qu'il vient de passer à Bruxelles. Epuisé, le directeur du quotidien El Watan ferme les yeux pour une petite sieste. Tout au long de la journée de jeudi, les membres de la délégation du comité national pour la libération de Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul ont sillonné la capitale européenne pour expliquer la situation de plus en plus difficile des journalistes algériens et demander un appui international dans leur combat pour obtenir la libération des deux journalistes incarcérés. À 11 heures, au siège de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), ils ont animé une conférence de presse. “Pour nous, le moment est grave. Ils s'agit d'une nouvelle escalade de la répression contre la presse indépendante”, a expliqué le secrétaire général de la FIJ, Aidan White. Ce qui constitue à ses yeux “un véritable défi” pour l'ensemble des journalistes du monde. M. White souhaite “la mise en place d'une large alliance et d'un programme international pour la protection des journalistes algériens”. La FIJ a décidé dans ce contexte de relancer les activités de son bureau algérien. Pour les membres de la délégation du comité national pour la libération de Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul, “il est inacceptable que des journalistes soient mis en prison à cause de leurs écrits”. Ils ont réitéré l'appel lancé mercredi dernier lors de la conférence de presse tenue au siège de Reporters sans frontières (RSF) pour une dépénalisation des délits de presse en Algérie, comme c'est le cas dans la majorité des pays du monde. “L'Algérie est l'un des rares pays au monde où on emprisonne un journaliste pour avoir fait son travail”, explique Omar Belhouchet. Pour le directeur d'El Watan, les choses sont claires : “Le régime algérien est séduit par le modèle tunisien. Il cherche à supprimer la presse d'opposition pour la remplacer progressivement par une presse privée aux ordres. Grâce à la manne pétrolière, nous assistons également à l'émergence d'une classe moyenne comme en Tunisie, qui soutient le régime. Pour nous, ce modèle n'est pas le bon”. Mais, en Algérie, il n'y a pas que la presse qui est en danger. “En Algérie, il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de droits de l'Homme. Il y a une dictature !” conclut Me Ali Yahia Abdennour, avocat et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh). Après avoir expliqué la situation aux journalistes, les membres du comité ont été reçus à la Commission européenne, dont le siège est à Bruxelles. “Nous leur avons expliqué que la situation de la presse en Algérie était grave. Nous leur avons demandé ensuite d'exercer des pressions sur le gouvernement algérien pour qu'il libère nos confrères dans les plus brefs délais”. L'Europe est aujourd'hui le premier partenaire politique et économique de l'Algérie. Et les deux parties s'apprêtent à signer dans les prochains mois un accord d'association. Or, l'article 2 de l'accord exige que l'Algérie respecte les droits de l'Homme et la liberté de la presse. En attendant que la lourde machine européenne se mette en marche, la mobilisation citoyenne prend de l'ampleur en France. Jeudi soir, à Paris, plusieurs dizaines de personnes ont débattu de la situation de la presse en Algérie. Parmi les présents figuraient de nombreuses personnalités algériennes et françaises ainsi des représentants de plusieurs partis politiques (RCD, FFS, MDS, les Verts, Parti communiste…). À l'issue des débats, les présents se sont mis d'accord sur le principe d'une grande manifestation qui aura lieu à Paris, le 5 juillet prochain, date anniversaire de l'indépendance algérienne. L. G.