L'emprisonnement de journalistes et les menaces qui pèsent sur la liberté d'expression ont constitué l'essentiel des débats de la rencontre organisée, hier, au Centre international de presse (CIP). Les directeurs de journaux constitués en comité de défense des libertés depuis l'emprisonnement de Mohamed Benchicou et de Hafnaoui Ghoul, en juin dernier, qui ont tous répondu à l'invitation (Omar Belhouchet d'El Watan, Fouad Boughanem du Soir d'Algérie, Ghania Khelifi du Matin, Ali Ouafek de Liberté, Hedda Hezzam d'El Fajr et Nadjib Belhimer d'El Khabar) ont d'emblée donné le ton. Après une brève allocution du ministre de la communication expliquant sa pleine disponibilité à écouter et à enregistrer les préoccupations des patrons de journaux, ces derniers sont allés droit au but en revendiquant la libération de Mohamed Benchicou et de Hafnaoui Ghoul comme préalable à toute organisation de la corporation. Prenant la parole en premier, Omar Belhouchet, le directeur d'El Watan a déclaré : “Aujourd'hui, il y a des journalistes en prison et, de ce point de vue-là, nous considérons qu'il y a un abus d'autorité, et il est de la responsabilité des autorités publiques de réparer par les voies légales cet abus.” “Nous pensons que le problème le plus urgent pour le rétablissement des relations entre le pouvoir et la presse est la libération des journalistes emprisonnés. C'est un problème majeur à régler si nous voulons mettre en place des rapports harmonieux entre les deux parties”, explique-t-il. C'est en somme, la teneur de l'ensemble des intervenants. Ghania Khelifi, directrice de la rédaction du Matin, s'est interrogée, à ce propos, “s'il y a parmi le gouvernement algérien des patriotes qui évaluent le chemin parcouru par la presse algérienne dans l'édification de la démocratie en Algérie et qui évaluent, également, les sacrifices de cette presse ?” Elle martèlera que “rien que pour ces sacrifices, Benchicou ne mérite pas d'être en prison. Il ne mérite pas d'être en prison, car il est innocent de toutes les accusations qu'on lui fait porter et qu'en 2004, c'est une grande humiliation pour l'Algérie de voir des journalistes en prison”. Le directeur de Liberté, Ali Ouafek n'en pense pas moins. “La presse algérienne a constitué un fleuron et un exemple de presse libre et indépendante aussi bien à l'étranger qu'au niveau national, mais cette vision s'est estompée ces derniers temps”, lance-t-il, tout en expliquant qu' “aujourd'hui, lorsqu'on a des journalistes en prison, c'est une véritable régression dans tous les cas de figure, et c'est une atteinte grave à la liberté de la presse”. Il expliquera : “nous sommes une société qui construit sa démocratie en emprisonnant des idées.” “La démocratie, dira-t-il, a ses mécanismes, et ne devrait pas s'illustrer par l'emprisonnement des journalistes”. Belhimer d'El Khabar a expliqué de son côté qu'“après le 8 avril, on a de véritables inquiétudes sur le devenir de la liberté d'expression en Algérie”. “Quand des étrangers parlent de la presse algérienne, ils la donnent en exemple de démocratie et d'ouverture, mais lorsqu'on regarde les problèmes de cette presse, on se rend compte de la nette tendance à sa répression”. évoquant le conseil de l'éthique et de la déontologie de la corporation, Belhimer dit regretter les déclarations du ministre dans les colonnes d'un confrère revendiquant le départ de l'équipe le composant. La question de ce conseil “est interne à la corporation”, dira le journaliste tout en précisant qu'il s'agit d'une instance constituée par les journalistes et élue par eux. “On ne voit pas pourquoi, le ministère ou le pouvoir pourraient s'ingérer dans les affaires internes de la corporation et déterminer la morale et les principes de la profession”. Dans ses réponses, le ministre de la communication s'est dit concerné par la situation de crise que vit actuellement la presse. évoquant le cas de Mohamed Benchicou, Haïchour dira : “au-delà des lignes éditoriales qui caractérisent les journaux, nous sommes amenés à dire que s'il y a eu des situations malheureuses, je suis très peiné de voir des citoyens, qui sont des faiseurs d'opinion, traîner devant les tribunaux. Pour ce qui est du cas de Mohamed Benchicou que je respecte beaucoup, au-delà de ce qu'il a comme position à l'égard du président de la république, il y a eu faillite dans l'éthique de la corporation”. Et de préciser : “je laisserai aux juristes le soin de commenter si l'infraction de Benchicou en est une.” “Je n'ai pas le droit, dit-il, d'interférer dans le jugement arrêté”. “La défense de Benchicou a beaucoup de capacités et elle a fait appel”. En évoquant le cas de Hafnaoui Ghoul, le ministre a eu les mêmes propos en indiquant de laisser la procédure judiciaire suivre son cours. Ce faisant, il considère que cela n'empêche pas les pouvoirs publics et la corporation “d'aller vers une détente”. “Je suis pleinement disposé et disponible d'aller vers le dialogue et de discuter avec l'ensemble de la corporation de ses problèmes”. Il annoncera à cet égard des rencontres avec les journalistes autour de l'avant-projet de loi organique sur l'information. Il annoncera, également, des discussions prochaines autour de la loi sur la publicité et les sondages. S'agissant du conseil de l'éthique et de la déontologie, Boujemaâ Haïchour s'est démarqué d'une quelconque interférence dans cette instance interne à la corporation. Par ailleurs et à l'issue de cette rencontre, le comité de défense des libertés s'est réuni à la maison de la presse Tahar-Djaout pour une rencontre d'évaluation. Les participants ont jugé positive la première rencontre avec le ministre de la communication. N. M. Le PDG du groupe et le directeur d'Er-raï condamnés à 2 mois de prison ferme Le président directeur général du groupe de presse Er-raï El-Aam, Ahmed Benaoum, et le directeur du journal Er-raï, Ahmed Oukili, ont été condamnés, samedi, à deux mois de prison ferme pour “outrage à corps constitué” par un tribunal d'Oran a annoncé un communiqué du groupe. Le groupe publie trois journaux : Er-raï en langue arabe, Le Journal de l'Ouest et Détective, dont toutes les éditions ont été suspendues depuis août 2003. Les deux hommes, qui ont également écopé d'une amende de 10 000 dinars chacun, ont été condamnés sur plainte du Directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), a précisé le communiqué. Ils avaient été inculpés pour des articles parus dans Er-raï et Le Journal de l'Ouest et mettant en cause “la gestion du chef de la sûreté de la wilaya (préfecture) d'Oran”, selon le communiqué. M. Benaoum avait été arrêté le 28 juin dernier “alors qu'il s'apprêtait à comparaître devant le juge près la cour d'Oran pour une accusation en diffamation intentée par la direction de la Santé”, selon la même source.