À J-1, c'est la ruée vers les gares. Au square Port-Saïd, les places de taxi sont cédées au prix fort. Alger donnait hier l'image d'une cité qui vit au ralenti. Comme par miracle, la circulation est fluide, et les chauffeurs de taxi urbain attendent fiévreusement dans les stations l'arrivée des clients. Voilà longtemps que chose pareille n'a pas été observée. D'habitude, c'est l'usager qui est à la recherche de moyens de transport… Les magasins du centre-ville n'attirent plus les foules. Les commerçants n'ont ouvert que pour vendre les quelques modèles qu'ils ont encore en stock. Ce sont surtout les boutiques spécialisées dans les habits d'enfants qui reçoivent de temps à autre quelques clients qui n'ont pas eu le temps de faire les achats durant les veillées de ramadhan. “D'habitude, j'achète les habits des enfants à l'étranger. Je n'ai pas eu le temps de le faire cette année. Je trouve pour ma part que les prix sont abordables”, estime une femme accompagnée de ses quatre enfants. “Cette année, nous n'avons pas bien travaillé. Il y a eu une véritable mévente. Pourtant, les prix n'ont pas évolué depuis l'année dernière”, déclare un commerçant d'Alger. Quelques dizaines de mètres plus loin, un autre commerçant fait remarquer : “Je vends des habits pour hommes. Les affaires n'ont pas été brillantes. Pourtant, je suis satisfait.” Un père de famille rencontré dans un magasin d'habits pour enfants est fier de son voyage à Alger : “J'habite Bouharoun et je viens d'acquérir un ensemble pour mon fils de 3 ans. Je l'ai payé 1 500 DA et je crois que j'ai réalisé une bonne affaire.” Si au centre-ville la vie tourne au ralenti, tel n'est pas le cas à la gare d'Alger. Ici, une véritable fièvre s'est emparée des centaines, voire des milliers de personnes prêtes à concéder tous les sacrifices pour passer l'Aïd en famille. À 11h30, seuls les taxis pour les proches destinations (Bouira, Blida et quelquefois Tizi Ouzou) sont encore disponibles. Une foule compacte est agglutinée sur les trottoirs, espérant l'arrivée d'un hypothétique taxi. “Je suis ici depuis plus d'une heure. Je veux partir à Ferdjioua. Il n'y a eu aucun taxi depuis mon arrivée”, dit Omar, un jeune homme qui travaille comme serveur de café à Alger. Il ne comprend pas pourquoi des chauffeurs de taxi qu'il connaît bien préfèrent partir vide… Un homme qui se trouvait à quelques mètres donne la réponse : “D'habitude, une place à Ferdjioua coûte 500 DA. Les taxieurs se cachent le jour pour revenir le soir et exiger alors 1 200 DA. J'ai vécu cela l'année dernière.” Nous constatons cela de visu, puisque plusieurs taxis sont garés loin des fils d'attente. “Je suis fatigué, je me repose quelques instants et je démarrerai ensuite”, dit un chauffeur de taxi. De temps à autre arrive une voiture, et le chauffeur propose des itinéraires, mais à prix forts. “Je refuse de prendre un clandestin. Cela ne me rassure pas”, déclare une femme. Alors que nous étions en discussion, le chauffeur d'un fourgon de transport d'Alger propose de prendre une vingtaine de voyageurs vers Constantine à raison de 800 DA la place. Après bien des palabres avec les voyageurs, le conducteur décide de changer d'itinéraire : il propose le trajet Alger-Mila à 700 DA la place. Personne n'accepte car le prix est jugé exorbitant. Les voyageurs à destination des villes de l'Ouest ne sont pas mieux lotis. À partir de 12h, aucun taxi n'ose démarrer vers Oran pour des raisons évidentes de sécurité. Une foule nombreuse attend des moyens de transport, en vain. Les taxis sont rares vers toutes les directions. À la gare routière du Caroubier, seuls les bus en partance vers Tizi Ouzou sont pris d'assaut. Il y a beaucoup de personnes sur le quai. Tout le monde est pressé de monter. Dès l'arrivée d'un bus, c'est une véritable ruée. “Je suis là depuis 30 minutes, je trouverai une place”, lance une étudiante en journalisme, qui doit se rendre chez elle à Tigzirt. Les autres destinations n'affichent pas autant d'engouement. Les préposés au guichet vers les destinations des villes de l'est du pays continuent à vendre des billets au-delà de 12h, car il y a des départs jusqu'à 15h30. Pour la région ouest, seuls les guichets de Chlef sont encore ouverts. “Les derniers bus vers Oran démarrent à 12h”, affirme un commerçant de la gare routière. S.I.