Les députés ont relevé de nombreuses contradictions ou même des anomalies dans ce projet qui consacre la mainmise du politique sur l'autorité judiciaire. “Nous aurions pu toucher de nombreux articles. Nous savions, toutefois, que ces amendements seraient déclarés inconstitutionnels par le Conseil constitutionnel”, nous a expliqué, hier, Redha Benounnane, député FLN et membre de la commission juridique de l'APN. Il a résumé ainsi les limites posées par la Constitution dans la révision de la loi organique portant statut de la magistrature et celle relative aux attributions et au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Lors du débat général, les députés ont justement focalisé leurs interventions sur les insuffisances des deux projets présentés par le gouvernement et les contradictions qu'ils recèlent. Le député Bouchareb (El-Islah) a relevé qu'il n'était pas logique de concéder aux magistrats le pouvoir de s'organiser en syndicat, en leur interdisant, dans le même temps, le droit à la grève. Djelloul Djoudi, président du groupe parlementaire du Parti des travailleurs, a soutenu que la révision du statut de la magistrature aurait dû intervenir au lendemain de l'avènement du pluralisme politique en 1989. “Le gouvernement a adapté la loi à l'ouverture de l'économie nationale à la mondialisation au lieu de la penser sous l'angle des critères politiques.” Il a saisi l'occasion pour poser la problématique de la non-application des décisions de justice et réitérer la revendication inhérente à l'abolition de la peine capitale. Son collègue, Amar Takdjout, a insisté sur la notion de l'indépendance de la justice. “Elle ne se réduit pas aux conditions sociales des magistrats et encore moins aux aspects techniques de leur profession. L'indépendance de la justice est tributaire d'une volonté politique.” De nombreux parlementaires ont estimé incongru de laisser la vice-présidence du CSM au ministre de la Justice, alors qu'elle devrait échoir au premier président de la Cour suprême. Dans ses réponses aux membres de l'Assemblée nationale, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a affirmé que la désignation du garde des Sceaux à la vice-présidence du CSM n'est pas une hérésie propre à l'Algérie. “Dans le monde entier, ce poste est occupé par le ministre de la Justice.” Il a indiqué aussi que le droit des magistrats à enclencher des mouvements de grève n'est reconnu dans aucun pays. Sur l'indépendance de la justice, il a déclaré que “la séparation des pouvoirs n'induit en aucun cas une rupture entre ces pouvoirs, qui doivent jouer des rôles complémentaires dans le sens de la réforme de la justice”. Il a ajouté, sur un ton qui n'admet pas vraiment l'avis contraire, qu'il est inconcevable de laisser le magistrat se conduire comme bon lui semble au nom de son indépendance. “Cette indépendance est une responsabilité soumise à la loi et à la conscience. Le juge est au-dessous de la loi même si beaucoup pensent qu'ainsi il perd son indépendance.” Le membre du gouvernement a clos ce chapitre en soulignant que “l'Etat est tenu de protéger le magistrat matériellement et moralement. Ce sont des principes consacrés dans le projet de loi que nous vous soumettons”. Il a reconnu, par ailleurs, que “la réforme du secteur de la justice accuse un retard inquiétant”. À ce titre, il a annoncé que son département présentera au Parlement pas moins de quatorze projets de loi, concrétisant les recommandations émises par la commission de réforme de la justice, présidée par Mohand Issad. Circonstance oblige, Tayeb Belaïz a précisé que la réforme du secteur souffre notamment de l'absence d'une prise en charge effective des problèmes socioprofessionnels des magistrats. S. H. Les revendications sociales des juges prises en charge Le projet de la nouvelle loi organique portant statut de la magistrature détermine les droits, les obligations, les salaires, la formation et les conditions de recrutement des magistrats. Le chapitre lié à la formation a reçu une attention particulière de la part des membres de la commission juridique de l'APN. Ces derniers ont tenu à définir les conditions d'accès à l'Ecole supérieure de la magistrature, désormais accessible aux diplômés de filières autres que la faculté de droit. Le postulant au concours d'entrée à cet établissement doit être, néanmoins, impérativement âgé de plus de 28 ans, titulaire du baccalauréat et d'une licence. Le cursus de trois années de formation est sanctionné par un stage pratique d'un an. Les docteurs d'Etat, de grade professeur, sont promus au rang de magistrats sans formation. Les juristes, agréés auprès de la Cour suprême, ont également la latitude de gagner le statut de conseiller auprès de cette cour, à condition de justifier de quinze années d'ancienneté (à compter de la date de l'obtention de l'agrément). Les magistrats auront, une fois la loi promulguée, le statut de cadres de la nation. Ils bénéficieront de ce fait d'un régime de retraite spécifique à effet rétroactif. Dans le projet de loi organique relative aux attributions et au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, les juges d'instruction, les procureurs de la République et les présidents de tribunaux sont nommés par le CSM et non plus par le président de la République. Le chef de l'Etat, en sa qualité de premier magistrat du pays, conserve sa prérogative de désigner le président et le procureur général de la Cour suprême, le président et le commissaire du Conseil d'Etat ainsi que les présidents de cours et les procureurs généraux. S. H.