Trois milliards de dollars, tel est le manque à gagner, par année, pour le Trésor public au titre des rentrées en devises de la communauté algérienne résidant à l'étranger. Par ailleurs, près de 30% des décisions de justice ne sont pas appliquées, a reconnu le ministre de la Justice, jeudi, devant les sénateurs. La ministre chargée de la Communauté algérienne à l'étranger, Sakina Messadi, ne semblait attendre, jeudi dernier, que la question orale du sénateur Mohamed Gazouz, pour se lancer dans des reproches publics aux ressortissants algériens établis à l'étranger. Le motif des griefs : leur tendance à privilégier le circuit informel dans le transfert des devises au pays. Le manque à gagner pour le Trésor public s'avère alors incommensurable. “La communauté algérienne à l'étranger est en mesure de transférer 3 milliards de dollars par an au profit du développement économique”, révèle Mme Messadi. Les sommes transférées par le canal officiel, c'est-à-dire les banques ou les investissements productifs, restent de ce fait très modestes car n'excédant pas les 200 millions de dollars/an. La plus grosse part de cet argent, près de 85%, entre au pays par voie de mandats postaux (particulièrement les pensions des bénéficiaires du régime de retraite français). Le membre du gouvernement a estimé nécessaire d'assouplir les procédures pour attirer les investissements des ressortissants algériens et “orienter les fonds vers les voies institutionnelles”. Il s'agira ainsi de concentrer les efforts dans la communication en direction des hommes d'affaires algériens vivant à l'étranger, par le biais des consulats et dans la levée des contraintes liées au foncier, aux lourdeurs bureaucratiques et au dysfonctionnement du système bancaire. Le ministre du Tourisme, Mohamed Kara Seghir, n'a pas eu non plus d'autres choix que de reconnaître, dans sa réponse au sénateur Mohamed Draoui sur la situation du tourisme en Algérie, que le pays est loin à la traîne derrière ses deux plus proches voisins, la Tunisie et le Maroc. L'Algérie continue à compter davantage de touristes nationaux qu'étrangers. Pourtant, il ne sied de parler d'industrie de tourisme que si les recettes en devises franchissent le seuil du minimum requis. En 2003, les profits du tourisme ont été évalués à 160 millions de dollars, soit une augmentation de 17% comparativement avec les recettes de 2002 estimées à 133 millions de dollars. Les proportions demeurent toutefois en deçà des normes. Dès lors, le représentant du gouvernement préfère miser sur des projections à l'horizon 2016. Un programme d'infrastructures ambitieux Il estime que le pays engrangera, dans douze ans, la cagnotte d'un milliard, grâce à la venue escomptée de deux millions de touristes internationaux. Pour réussir ce pari, les autorités entendent mettre en œuvre un plan de relance qui devrait sortir le secteur de son marasme. Un programme qui se traduira par la réalisation de 120 000 lits d'ici à 2013 et la création de 230 000 postes d'emploi. En matière d'investissement, Mohamed Kara Seghir affirme que son département a recensé, jusqu'à l'année écoulée, 275 projets touristiques en cours de réalisation pour un coût global s'élevant à 41 milliards de dinars. Une étude est lancée sur l'aménagement de 22 zones d'extension touristique dans une première étape. Dans une volonté de prouver que l'Etat prend à cœur, depuis au moins trois années — il fait ainsi une fleur au président de la République —, le développement du secteur, il rend publics les scores réalisés en 2003 et 2004. Le premier trimestre de l'année en cours a connu, selon lui, la visite de 222 414 touristes, dont 74 315 étrangers. Environ 1,16 million de touristes ont été recensés durant 2003, soit une hausse de 15% par rapport à 2002 (966 000 touristes). Des décisions de justice pas toujours exécutées Par ailleurs, le sénateur Bouzid Lazhari a interrogé le ministre de la Justice sur “les raisons qui empêchent l'application des décisions de justice”. Le garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a répondu que l'huissier de justice est chargé de veiller à l'application des arrêts et décisions de justice depuis 1991. “Le juge n'intervient que pour l'exécution des formalités d'application ou pour mobiliser la force publique”. Selon le membre du gouvernement, les instances judiciaires rendent environ 400 000 décisions de justice dans des affaires civiles, chaque année. 100 000 d'entre elles revêtent un caractère exécutoire immédiat. “Les statistiques des dernières années, a-t-il dit, montrent que 70 à 80% des décisions et arrêts de justice sont exécutés chaque année”. Il reconnaît, néanmoins, que le taux de 20 à 30% de décisions non exécutées reste important. D'autant qu'elles concernent généralement les expulsions des logements indûment occupés et la réintégration des travailleurs à leur poste. Le ministre indique que 55% de salariés, injustement licenciés ayant gagné le procès sur leur employeur, ont été réhabilités. Il estime que pour le reste, l'application de la décision de justice bute sur des problèmes réels, qui n'ont rien à voir avec la mauvaise foi de la partie déboutée. “L'entreprise existe parfois mais est en faillite et ne possède rien qui pourrait être saisi. Il est impossible d'appliquer la décision de justice en recourant à la force publique conformément aux dispositions de la loi 90/04 relative au règlement des contentieux et l'article 34 du code de procédures civiles”. Quant au volet lié à l'expulsion, Tayeb Belaïz invoque la donne humanitaire (les mis en cause n'ont pas d'autres toits) ce qui rend difficile la mise en œuvre de la décision judiciaire. S. H.