Le docteur Saïd Sadi a plaidé, contre la régression politique en cours, pour la mobilisation de l'élite, la formation et “l'information crédible et courageuse”. Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, a exhorté hier, lors de l'ouverture de l'université d'été des étudiants que son parti organise à Aokas, dans la wilaya de Béjaïa, les participants à cette manifestation à “jouer le rôle qui est le leur” au sein de la société pour laquelle ils se doivent d'être “des agents actifs et parlants”. Ce défit est d'autant plus urgent à relever que le pays vit, particulièrement depuis le 8 avril, “une crise politique lourde”, estime le président du RCD. Il en veut pour preuves “la fermeture et le blocage jamais égalés du champ politique et le recours à l'emprisonnement de journalistes et aux harcèlements policiers et judiciaires contre les segments actifs et sains de la société”. Ce sont là, en effet, des signes évidents aux yeux de Saïd Sadi que “la régression politique est bel et bien engagée”. D'où cette mise en garde : “L'Histoire nous enseigne que chaque régression de ce type s'accompagne toujours d'un regain de populisme et de démagogie, et cela, nous le vérifions aisément aujourd'hui”. Dans un tel contexte, “il appartient aux étudiants et à chaque membre de l'élite conscient de ses responsabilités citoyennes” d'assumer leurs “missions” face à “la menace qui pèse sur le projet démocratique”, préconise le docteur Sadi. “Car c'est bien ce projet qui est, aujourd'hui, la cible du pouvoir qui, par le biais d'une répression générale, tente de ramener le peuple dans un système de pensée unique”, avertit-il. “Cela, au moment même où l'Europe, quant à elle, envisage plutôt… le diplôme unique”, ironise-t-il provoquant rires et applaudissements de l'assistance. Mais Sadi rassure quant à l'issue d'un tel dessein du pouvoir. “En 2004 et dans le contexte international que nous connaissons aujourd'hui, la tentation totalitaire du régime est vouée à l'échec malgré la multiplication des fraudes”. Cependant, et comme il revient à l'élite de faire l'histoire et de ne pas la subir, Saïd Sadi invite les étudiants à “multiplier les échanges entre eux, d'une région à une autre et à s'impliquer afin d'imposer une solidarité nationale active face aux velléités du pouvoir qui visent à diviser”. Le président du RCD évoquera alors sa propre expérience dans le domaine des luttes estudiantines, une lutte qui, bien que menée durant l'ère du parti unique, “a permis à l'université de servir de catalyseur en provoquant le déclic qui, par le débat politique, a permis à son tour au projet démocratique d'être perçu par l'opinion nationale comme alternative au populisme de l'époque”. Parce que la génération estudiantine d'aujourd'hui est interpellée autant que celle d'hier, Sadi appelle son auditoire à “faire de l'Université algérienne un lieu de débat et de combat”, en vieux routier des luttes politiques dans la clandestinité, il donne un “mode d'emploi” qui sied à la conjoncture actuelle marquée par les méthodes répressives appliquées par le pouvoir : “Si vous devez réactiver les moyens de communications de l'époque, eh ! bien faites-le”. Et de se faire plus précis : “Affichez, utilisez la ronéo, tenez des réunions restreintes, échangez vos informations, etc.” S'adressant particulièrement aux étudiants venus des régions éloignées de la Kabylie, Sadi les exhorte à saisir l'occasion de leur présence dans la région pour s'informer par eux-mêmes des réalités politiques, socioéconomiques et culturelles de cette partie de l'Algérie. “Informez-vous aussi sur le mouvement citoyen, ses origines, son parcours, mais aussi sur ses dérives”, conseille-t-il encore. “Car, explique-t-il, nous sommes tous tenus au devoir d'autocritique”. Sadi insiste : “C'est dans les moments de troubles qu'il appartient à chacun d'assumer ses responsabilités et la Kabylie vit une situation de trouble qui favorise toutes les dérives pendant que le pouvoir, lui, les encourage, les récupère et les instrumentalise, s'installant ainsi dans une démarche fascissante avérée”. Le docteur Sadi cite, pour exemple, le fléau de la drogue qui “fleurit” en Kabylie et évoque le cas des trois délégués dialoguistes arrêtés récemment à Béjaïa alors qu'ils transportaient une quantité de kif à bord de leur voiture. L'orateur saisit alors l'occasion pour inviter “en toute amitié” la famille de la presse à “briser l'omerta médiatique” qui couvre pareils dévouements que le pouvoir s'emploie à utiliser à la manière des pires organisations maffieuses. Le président du RCD plaide, en conclusion et de manière globale, pour “la mobilisation des élites, la formation de la jeunesse et l'information crédible et courageuse, seules à même d'endiguer la menace qui pèse sur l'alternative démocratique”. Saïd Sadi n'allait pas quitter le camp de toile qui abrite le regroupement sans consacrer un petit quart d'heure à une séance de photos souvenirs sur insistance des étudiants de l'est, de l'ouest et du sud du pays. S. C.