Pour relever le défi du progrès politique, les nouvelles autorités sont engagées dans une course de vitesse avec la résistance qualifiée de “patriotique”, celle des membres de l'ancien parti Baas, les islamistes qui se prévalent du manteau d'Al-Qaïda et, enfin, les criminels de droit commun qui profitent du chaos. Le redoublement de violence en Irak augure mal de la capacité du gouvernement intérimaire porté à bout de bras par Washington à tenir un calendrier politique qui doit mener le pays vers la souveraineté et la paix. En particulier, l'organisation d'élections dans six mois. Après une accalmie au moment du transfert de pouvoir par la coalition menée par les Etats-Unis au Premier ministre Iyad Allaoui le 28 juin dernier, la violence a nettement repris, avec deux attentats perpétrés samedi, dont l'un, qui visait à Bagdad le ministre de la Justice, Malek Dohane Al Hassan. La semaine dernière, le pic des violences depuis le transfert de la souveraineté avait été atteint avec, au moins, 27 personnes tuées dans des attentats suicide près du siège du gouvernement et de l'ambassade des Etats-Unis. La même semaine, le gouverneur de la province de Ninive était assassiné, ainsi que le directeur général du ministère de l'Industrie et le chef de la sécurité du ministère des Affaires étrangères. Rien n'est possible sur le plan politique tant que la sécurité ne se matérialise pas dans le pays, estime Abdelwahab Al Qassab, ancien général sous Saddam Hussein, aujourd'hui à la tête du Centre Azzaman d'études stratégiques, soulignant que les islamistes réorganisent leurs forces et même le crime organisé. Avant de retrouver sa pleine souveraineté, en 2005 ou 2006, l'Irak doit suivre un long et périlleux processus politique. La semaine prochaine, une conférence nationale doit en principe se tenir avec la participation de 1 000 personnalités, pour désigner un organe de contrôle nommé Conseil national intérimaire, une sorte de Parlement. Ce conseil aura notamment pour tâche d'organiser de premières élections générales en janvier. Mais tout le monde a à l'esprit qu'une campagne électorale, c'est également de l'agitation dans tout le pays. Ce qui est incompatible avec la situation sécuritaire actuelle, déclarent pour leur part les observateurs. Les bureaux de vote seraient des cibles faciles et il est probable que les élections seront reportées, estiment certains d'entre eux. Pour relever le défi du progrès politique, les nouvelles autorités sont engagées dans une course de vitesse avec plusieurs types d'opposition. Il y en a quatre, selon des sources diplomatiques arabes la résistance qualifiée de “patriotique”, issue de la communauté sunnite et qui veut chasser les Américains ; celle des membres de l'ancien parti Baas, qui veulent reprendre le pouvoir ; les islamistes qui se prévalent du manteau d'Al Qaïda et, enfin, les criminels de droit commun qui profitent du chaos. Aux attentats et attaques contre les forces américaines, la Garde nationale et la police irakiennes, les opposants armés associent les enlèvements, exerçant un chantage qui paye, comme le prouve le départ du petit contingent philippin pour tenter d'obtenir la libération d'un otage de ce pays. Plusieurs villes ou quartiers échappent, par ailleurs, au contrôle tant des Américains que des autorités irakiennes, comme Samarra, au nord de Bagdad, et Falloujah, à l'ouest, où les islamistes tiennent le haut du pavé. Dans les quartiers chiites, les milices de Sadr, même si elles ne plastronnent pas avant, se font toujours menaçantes. Face aux avancées des criminels, le gouvernement a annoncé un plan de sécurité pour Bagdad, la création d'un service de renseignements dans le droit fil des moukhabarate chers aux régimes arabes, et le renforcement des contrôles aux frontières, pour prévenir l'infiltration d'opposants. Car, outre la lutte contre ses ennemis de l'intérieur, le gouvernement ne pourra s'en sortir sans qu'on n'empêche les pays de la région de s'ingérer dans les affaires irakiennes, et qui sont d'ailleurs nominalement citées par les autorités de Bagdad. Recouvrant les soupçons de Washington, le Chef du gouvernement irakien accuse ouvertement la Syrie et l'Iran, qui ferment les yeux sur les mouvements de terroristes vers l'Irak. D. B. Le ministre de la Justice échappe à un attentat Le ministre irakien de la Justice Malek Dohane Al-Hassan a échappé hier à un attentat à l'explosif à Bagdad, qui a fait au moins quatre morts et trois blessés, dont une fillette de quatre ans. L'attentat à la voiture piégée a touché le convoi du ministre alors qu'il circulait dans le quartier Adel, dans l'ouest de Bagdad. Pour d'autres sources, l'agression contre le ministre a été commise par un kamikaze. L'un des gardes du corps du ministre soutient qu'à l'arrivée du convoi dans la rue, un homme a ajusté son turban et est rentré dans une voiture blanche, qui a explosé. Le ministre passe par cette route tous les jours car il habite le quartier mais comme sa maison est entourée de murs de béton, ils ont préféré l'attaquer ici, a déclaré un habitant du quartier, dont le mur de la maison a été lézardé par le souffle de l'explosion. Par ailleurs, trois policiers ont été blessés dans l'explosion d'une bombe artisanale au passage de leur véhicule à Bagdad.