Le groupe de réflexion américain, dont les analyses font office de bible aux ?tats-Unis et même ailleurs, vient de mettre en évidence que “la solution militaire est inefficace” contre la plupart des groupes terroristes ! Un changement radical pour la Rand Corporation qui travaille pour le Pentagone, le secrétariat d'?tat et la Maison-Blanche. Pour battre Al-Qa?da, il préconise une nouvelle stratégie basée sur le renseignement et la police, et de changer de vocabulaire. Pour aboutir à cette conclusion, une lapalissade tant elle reconnue et appliquée par les services du monde entier : la bo?te américaine de réflexions et de prospectives dit avoir procédé à une autopsie exhaustive du terrorisme dans le monde. Ses chercheurs ont compilé des données sur 648 groupes recensés à travers le monde entre 1968 et 2006, distinguant chacun d'eux en fonction de ses effectifs, ses buts, ses revenus financiers, du régime politique de son territoire d'implantation, de son orientation (religieux ou politique) et de ses buts pour ensuite passer au crible leurs destins. Sur les 648 groupes étudiés, 244 sont toujours actifs, et 136 se sont fragmentés ou ont fusionné avec d'autres groupes, selon le recensement de Rand Corporation. La bonne nouvelle est que depuis 1968, 62% des groupes terroristes ont cessé de nuire. 114 (43%) ont déposé les armes suite à un accord politique avec l'?tat et quant à ceux qui ont été réellement vaincus (107, 40%), ils l'ont été par des moyens policiers et juridiques fondés sur le renseignement, l'infiltration des cellules, l'arrestation de leaders et le développement de la législation antiterroriste. Toujours selon la Rand Corporation, 20 groupes seulement ont été écrasés sur le champ de bataille, par des moyens militaires, soit un pourcentage de 7%. L'autre constatation est que les groupes d'inspiration religieuse dont le terrorisme islamiste, sont “bien plus résistants” que ceux qui ont une vocation politique. ?tudiant Al-Qa?da, l'étude conclut qu'“il n'y a aucun solution au terrorisme sur le champ de bataille”, soulignant que la force militaire brute sur, souvent, “l'effet inverse” en attisant l'hostilité des populations, fournissant ainsi un réservoir de recrues aux terroristes. Rand Corporation qui relève une augmentation des actions d'Al-Qaïda dans un rayon plus large, juge que la stratégie américaine de “guerre contre le terrorisme” n'a pas réussi à affaiblir la nébuleuse terroriste. Quelle stratégie adopter alors contre le terrorisme islamiste ? L'étude préconise un combat sur deux fronts. D'abord, mettre l'accent sur la solution policière contre Al-Qaïda dans le monde, préconisant à Washington d'augmenter les budgets de la CIA et du FBI et de cibler les principaux “nœuds” de la toile islamiste, qu'il s'agisse de centres de décision, de communication, de bases de soutien ou de financement. La Rand Corporation recommande la mise hors d'état de nuire des chefs des réseaux, “avec les règles qui s'imposent dans un état de droit. Ensuite, l'étude ne plaide pas pour un désengagement militaire total des Américains en Irak, où Al-Qaïda participe à une insurrection armée globale. Le rapport suggère que la lutte antiterroriste en Irak doit être confiée aux forces locales qui ont une plus grande légitimité, et une meilleure compréhension. Il faudrait donc, selon cette étude, que les ?tats-Unis cantonnent leur rôle militaire en Irak à de la formation ou de l'armement. La Rand Corporation suggère quelques pistes idéologiques. Par exemple, le groupe estime que les fetwas émises par le Conseil des oulémas en Afghanistan clamant que les kamikazes n'auraient ni vierges, ni vie éternelle, ont été bien plus efficaces que les tonnes de tracts de propagande largués par l'aviation américaine. Autre changement symbolique mais crucial : troquer la “War on Terror” (guerre contre le terrorisme), qui laisse croire à une solution purement militaire, contre le plus classique “counterterrorism” (antiterrorisme). De même, il s'agit de ne plus faire passer Ben Laden et consorts pour des guerriers engagés dans une guerre sainte mais pour de simples criminels. L'étude exclut d'office la solution politique pour Al-Qaïda, dont le but avoué est de renverser les gouvernements du Proche et du Moyen-Orient, du Maghreb et de l'Afrique sahélienne pour reformer la mythique oumma. La Rand Corporation estime enfin que la probabilité d'un succès d'Al-Qaïda est proche de zéro. D. B.