“Les lois sur l'immigration sont trop souples”. Le constat est fait par des officiers supérieurs de la Sûreté de wilaya de Tamanrasset, confrontés depuis plus de vingt ans à l'inextricable phénomène de l'immigration clandestine. Les textes juridiques régissant la situation des étrangers en Algérie datent de 1966 (décret exécutif 66-00 et l'ordonnance 66-211 du 21 juillet 1966 révisée en 1967). Ils prévoient des peines légères, voire de simples amendes à l'encontre des personnes impliquées dans l'immigration clandestine. Les actes des passeurs, logeurs et employeurs sont assimilés à des délits mineurs alors que dans de nombreux pays ils relèvent du crime organisé. Antérieure de près de deux décennies à l'apparition des premiers flux migratoires par les circuits informels, la législation en vigueur s'avère complètement inadaptée à la conjoncture actuelle. La loi 81-10, du 11 juillet 1981 portant condition d'emploi des étrangers ne contient pas de dispositions claires à même de codifier réellement le travail des étrangers, particulièrement ceux en situation irrégulière. Nos interlocuteurs à la Sûreté de wilaya insistent sur l'impératif de durcir les dispositifs contre l'entrée frauduleuse des étrangers dans notre pays. “C'est le seul moyen efficace de réduire un tant soit peu de l'ampleur du fléau”, nous dit-on. Autrement, la tâche est titanesque. Tamanrasset partage avec le Mali et le Niger 1 200 kilomètres de frontières. Elle s'étend sur près de 560 000 km2, soit une superficie supérieure à celle de la France toute entière. L'immensité du territoire, l'hostilité de l'environnement et la perméabilité des frontières se dressent comme des obstacles majeurs à l'éradication de l'immigration clandestine. Les opérations réussies des services combinés de la sécurité sont alors menées en ville ou à ses abords. Ils agissent sur la base d'informations sur la présence des immigrés, spécialisés dans la falsification des papiers (passeports, cartes d'identité, visas..), de billets de banque et dans la prostitution. Les investigations ont permis le démantèlement de plusieurs réseaux de faux et d'usage de faux. Les statistiques, fournies par la police judiciaire, sont édifiantes. L'année dernière, 130 personnes dont 128 étrangers ont été traduites devant la justice pour leur implication dans des réseaux de faussaires. Durant le premier semestre 2004, une centaine d'immigrés est inculpée pour les mêmes motifs. Une somme, équivalent à 820 000 dinars en faux billets de banque, a été saisie à l'occasion. Les faussaires parviennent sans peine à leurrer des victimes. Pourtant, leur technique est assez primaire. Ils mettent en liasses des bouts de papiers ayant les dimensions des billets de 500 ou 1 000 dinars. Ils noircissent le papier avec une substance en poudre (souvent du khôl). Ils repèrent leurs victimes parmi les riches commerçants. Devant leur regard incrédule, ils sortent de la liasse quelques billets qu'ils imbibent avec un liquide d'origine douteuse (parfois du pipi de chèvre, selon le chef de la police judiciaire de la wilaya). Par un subtil jeu de prestidigitateur, ils font croire à leurs victimes qu'ils transforment du vulgaire papier en de vrais billets de banques. Les Noirs africains tendent à devenir des as de la falsification des passeports et des sceaux de la police des frontières, notamment à In-Guezzam. “Les Maliens revendent des passeports aux Sénégalais, car les cachets des postes frontaliers des deux pays se ressemblent à s'y méprendre”, explique un officier de la police judiciaire. Malgré leurs efforts décuplés, il est chimérique de croire que les services de sécurité de la wilaya, parviendront à rayer un jour le trafic des faux papiers du listing des crimes à combattre. Souhila H.