La belle affaire ! 580 000 logements sociaux à vendre. Il ne croyait pas si bien dire quand, il y a une vingtaine d'années, le dessinateur Slim mettait cette réplique dans la bouche de Zina, la compagne de Bouzid : “Chéri, achète-moi la Grande-Poste.” La cession des logements sociaux dissimule mal la véritable nature de l'opération : une braderie du domaine foncier national. Etrangement, le ministre des Finances connaît le nombre de logements sociaux promis à la vente, mais évoque “des” locaux commerciaux dont il ignore ou tait la quantité. De même qu'il s'interroge sur les superficies de terres cessibles ! Les locaux commerciaux ne sont pas sociaux, mais tous les logements “sociaux” ne le sont pas tous, non plus. Gageons donc que derrière l'encouragement des modestes ménages à l'accès à la propriété se cache une nouvelle opération de privatisation à bon marché du patrimoine foncier. La prochaine opération de répartition d'une partie de la richesse n'est pas sans rappeler la combine qui, sous Chadli, avait permis de liquider indistinctement toutes sortes d'édifices sous l'appellation de logement. Depuis, après avoir vilipendé le procédé et son auteur, liquidation, tous les magnats de la rente se sont mis à nommer “maison individuelle” les plus monumentaux de leurs palais dans leur déclaration de patrimoine. Le caractère douteux de l'opération se devine aisément à l'argumentaire plutôt spécieux du ministre : “Un Etat sérieux ne peut marcher sur une seule jambe”, nous assène le professeur Benachenhou, insinuant qu'il ne peut compter sur la seule fiscalité pétrolière. Or, la réalisation d'actifs immobiliers ne signifie point une création d'un nouveau gisement fiscal. Au contraire, des revenus locatifs structurels sont sacrifiés pour des rentrées d'une liquidation conjoncturelle. Pour le Trésor, c'est une ressource stable en moins contre un apport instantané et non reconductible. Le ministre prétend que le gouvernement fonde sa stratégie sur le principe de la primauté du marché. Il ne doit rien faire qui puisse être accompli par la confrontation de l'offre et de la demande. Il se trouve que si les logements sociaux, et même faussement sociaux, déjà occupés, ne se prêtent pas à la mise aux enchères, ce n'est pas le cas du patrimoine foncier non bâti. Et là, le ministre ne nous explique pas comment le marché, plus indiqué que l'administration pour encadrer la transaction, sera sollicité. Ni la situation de trésorerie du pays, ni les considérations doctrinales exhibées ne justifient donc les soldes programmés de l'immobilier et du foncier. Il est peut-être seulement temps de doter le sérail reconstitué ces dernières années. Le système est ainsi fait : il doit adapter les rapports de propriété à l'évolution de sa sociologie clanique. C'est même sa raison d'être. De régime en régime, il faut découper un morceau d'Algérie à partager entre les membres de la secte recomposée. Sous prétexte de nouvelle stratégie financière. M. H.