Alors que la compétition internationale a atteint sa vitesse de croisière en laissant les critiques et certainement le jury hésitants tant qu'aucun film ne s'est distingué au point d'apprivoiser le Léopard d'or qui ne cesse de ronronner en chœur avec le tonnerre, la 57e édition du festival de Locarno est définitivement marquée par une météo capricieuse et pluvieuse qui a privé les festivaliers du charme des projections sous les étoiles. La plus touchée des victimes du mauvais temps est certainement Gillo Pontecorvo qui attendait avec impatience la projection de son film Queimada (Burn) sur l'écran géant de la Piazza Grande. Les milliers de festivaliers qui s'étaient réunis pour l'occasion ont été très vite dispersés par une pluie battante avant même le début de la projection qui a été beaucoup suivie, à une heure tardive, à la salle le Fevi. Gillo était très fatigué pour venir présenter son film. Cette projection était censée être un événement marquant de cette édition tant qu'elle est programmée dans le cadre de la commémoration et de la remémoration de Marlon Brandon, récemment disparu, qui a continué avec ce film sa prise des distances, amorcée au début des années soixante avec Hollywood. Le film est aussi celui d'une rencontre entre deux hommes, Brandon et Pontecorvo, qui partagent beaucoup de convictions politiques. C'est pour cela que Brandon s'est totalement investi dans son rôle de Sir William Walker, agent à la solde du gouvernement britannique, qui débarque au XIXe siècle sur Queimada, îles des Antilles, pour mettre fin au monopole commercial des Portugais. Le fait de jouer avec des amateurs dont Evaristo Marquez, qui incarne José Dolorès, esclave insoumis et adjuvant de Sir William Walker, a quelque peu déstabilisé Brandon qui devint nerveux et “ombrageux comme tous les pur-sang”, selon l'expression de Pontecorvo, mais cela ne l'a pas empêché de livrer une éblouissante prestation. Dès le début, Brandon apparaît sur l'écran beau, posé, regard pénétrant et esprit absorbé par ses idées. Ses déplacements, majestueux et élégants, comme ceux d'un danseur absorbé par sa danse, sous les partitions signées Ennio Morricone, étaient mesurés. Evidemment, cela a fait le bonheur de Pontecorvo qui affichait ouvertement ses idées anticoloniales et qui avait signé avec Queimada un brûlot anticolonialiste s'ajoutant à La Bataille d'Alger. Il était présent à Locarno pour partager avec le public ses souvenirs avec Brandon. Hélas ! la météo a gâché ce plaisir. T. H.