Pourquoi le 20 Août n'a pas le retentissement que mérite un tel moment fondateur ? Pourtant, c'est ce Congrès qui a décidé, en quelques jours et au cours de la plus large réunion de responsables algériens de l'Histoire, de l'organisation de l'armée du territoire, de l'Armée de Libération nationale, des institutions politiques de la Révolution ; c'est ce Congrès qui a arrêté la nature du futur Etat algérien. La Plate-forme de la Soummam qui devrait être la référence naturelle de ceux qui se réclament de l'héritage de la révolution est soigneusement esquivée quand il s'agit de justifier les directions qu'ils imposent aux pays par la contrainte de leur pouvoir. L'avant-garde progressiste, réduite en pleine guerre par l'assassinat de Abane Ramdane, fut, pour partie, éloignée par la force et, pour partie, soumise à la loi des clans, dès le lendemain de l'indépendance. Aujourd'hui, le 20 Août, subsiste comme un encombrant patrimoine dont l'ampleur empêche à peine de l'inscrire parmi les péripéties accessoires de la guerre de Libération. Tout est fait pour le banaliser, à commencer par en faire la discrétion de sa célébration. Entre rituels circonscrits et bâclés, d'un côté, et rencontres en salles de spécialistes, tout semble tendre à soustraire l'évènement historique à la rue. Il restera au peuple à se contenter de s'arroger le 1er Novembre et le 5 Juillet. Entre les deux dates, le régime du moment décidera au gré des équilibres de pouvoir immédiats de ce que fut la révolution. On pourra même y glisser les triomphes postindépendance de quelques familles politiques idéologiques comme un accomplissement commun que le peuple devra unanimement glorifier. Comment s'y prendre alors pour se remémorer le processus politique de libération. Car avant d'être une guerre, la Révolution fut une démarche, divergente puis consensuelle, fraternelle mais contradictoire. Dans ces développements dialectiques propres à tous les épisodes historiques, les plus marquants surtout, le Congrès de la Soummam constitue un date jalon déterminante. Etrangement, il y a quelque consensuelle distraction quand il s'agit de s'en souvenir. Les acteurs qui ont survécu à la guerre de Libération n'ayant pas été abondants en témoignages, on en est encore à soulever, épisodiquement et avec une prudence de démineur, quelques-uns des nombreux voiles qui couvrent l'histoire de cette décisive période. Rien d'étonnant alors de jeunes Algériens, démunis de repères locaux, s'en aillent chercher leurs inspirations dans de mythiques épopées qu'on leur dit partager avec de lointains “frères”. M. H.