La ville sainte du chiisme est le théâtre de violents affrontements, et les forces américaines et irakiennes ont reçu, mardi dernier, l'ordre de capturer mort ou vif Moqtada Sadr. Apparemment, le sort de l'Irak post-Saddam se joue à Nadjaf, ville sainte du chiisme. Les forces américaines postées autour du mausolée de l'imam Ali n'attendent plus que le feu vert pour lancer leur offensive avec en premières lignes des éléments de la nouvelle armée irakienne chargés d'envahir la mosquée où se sont retranchées les milices de Moqtada Sadr. Le grand ayatollah Ali Sistani, le dignitaire chiite irakien le plus respecté, devait quitter Londres pour Bagdad et appeler les Irakiens à marcher sur la ville sainte de Nadjaf pour “la sauver”. Sistani, absent de l'Irak durant la montée en cadence de la rébellion du jeune Sadr, pense ainsi éviter l'assaut auquel se préparent activement les forces américaines avec l'onction de l'autorité intérimaire irakienne. Sistani, qui a toujours évité de donner son point de vue sur Moqtada Sadr, l'ayatollah des quartiers populeux dont la carte de visite est un père, ayatollah et farouche résistant à Saddam qui a fini par l'assassiner, espère raviver la flamme nationaliste dans toute l'Irak et ressouder les Irakiens de Bagdad, Hilla, Kerbala, Bassorah, Diwaniya, Amara, Kout, Kirkouk, Mossoul et Baâqouba. Pour la première fois, il fait état de son désaccord avec la stratégie de Sadr dont les milices sont accusées de souiller et de violer un mausolée sacré. Le chef radical chiite Moqtada Sadr, de son côté, ne veut pas lâcher prise. Il a appelé de Bagdad, où il se meut comme un poisson dans l'eau, les musulmans du monde entier à intervenir d'urgence pour empêcher un assaut américain contre le mausolée de l'imam Ali où sont retranchées ses milices. L'appel est repris en boucle par des chaînes satellitaires arabes, avec cet avertissement de Sadr : si l'Amérique entre dans le mausolée du prince des croyants, l'imam Ali, aucun édifice de l'islam, aucune mosquée ne sera à l'abri et sera violée par ces forces iniques. Jeune et, dit-on, pas très expert en matière de chiisme, Sadr est certainement un radical, mais c'est aussi un fin politicien. Il s'est joint à l'appel de Sistani en ajoutant que si les forces d'occupation entrent dans le mausolée du prince des croyants, aucune mosquée, aucun imam, aucun édifice de l'islam ne sera plus respecté. Il sait chauffer les foules et les caresser dans le sens du poil. La ville sainte du chiisme est le théâtre de violents affrontements et les forces américaines et irakiennes massées à l'entrée du mausolée ont reçu mardi l'ordre du gouvernement irakien de capturer mort ou vif Moqtada Sadr si celui-ci résistait à l'assaut imminent. Si Moqtada Sadr se rend, il sera sain et sauf, s'il résiste, il n'a devant lui que la mort ou la prison, n'a cessé d'affirmer le ministre irakien de la Défense Hazem Chaalane à partir d'une base américaine à l'entrée de Nadjaf. D'importantes forces irakiennes sont massées devant l'entrée du mausolée, attendant le signal de l'assaut, à moins que les hommes de Sadr ne se rendent. Les Gardes nationaux, le corps d'élite de la nouvelle armée irakienne, sont à pied, en treillis, casqués et armés de kalachnikovs, dans les ruelles menant à la vieille ville et sur la rue El-Madina, qui constitue la ligne de démarcation, à 400 mètres du mausolée de l'imam Ali. Derrière, les forces américaines veillent. Les combats de Nadjaf ont commencé le 5 août. Le Premier ministre Iyad Allaoui exige le démantèlement des milices de Sadr à qui la conférence nationale irakienne devant instaurer le parlement désigné, qui doit accompagner le pouvoir intérimaire, a offert une sortie de secours honorable. Il est proposé à Sadr de transformer ses milices en formation politique. Le gouverneur de Nadjaf a prévenu que la Garde nationale allait nettoyer la ville et le mausolée de la milice si les miliciens ne partent pas rapidement de leur propre chef. Cette offensive interviendrait alors que l'anniversaire de la mort d'Ali, gendre du Prophète révéré par les chiites, sera fêté lundi prochain. Le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari a, par ailleurs, rejeté un appel lancé la semaine dernière par l'Iran pour la tenue urgente d'une réunion des voisins de l'Irak sur la situation dans la ville, estimant qu'il s'agissait d'une affaire intérieure. De violents affrontements ont, par ailleurs, éclaté à Amara (370 km au sud de Bagdad) entre les milices de Sadr et les troupes britanniques, dans lesquels 12 Irakiens, dont trois enfants, ont été tués et 54 blessés. Par ailleurs, les ministres irakiens de l'Environnement et de l'Education ont échappé, à Bagdad, à deux attentats qui ont fait cinq morts, outre un kamikaze. L''aviation américaine a repris ses frappes chirurgicales sur Falloudja, bastion de la résistance sunnite. Dans le même temps, le gouvernement intérimaire irakien prévoit d'organiser un recensement de la population en novembre si les conditions de sécurité le permettent. Selon la feuille de route américaine, l'Irak post-Saddam devra être bouclé d'ici janvier 2005 avec des élections générales D. B.