Tout le monde se détourne de Sadr et ses milices qui n'ont apporté que la mort et la destruction. Place à Sistani ! La Marjaiya, la direction religieuse chiite, qui s'est réunie au domicile d'Ali Sistani à Nadjaf, ville sainte du chiisme, sanctuaire de Ali, gendre du Prophète, reste opposée à la lutte armée contre la présence américaine. Ceci tant que ne sont pas puisées les solutions pacifiques devant mettre fin à l'occupation, devait affirmer le porte-parole de la figure emblématique du chiisme irakien, Sistani, pour lequel s'il s'avère un jour qu'il n'y a plus de possibilité de discussions, alors la lutte armée deviendra une possibilité. Cette décision a été annoncée par les ayatollahs Sistani, Al-Najafi, Al-Hakim et Ichak Al-Fayad, quatre personnalités représentant les plus hautes autorités religieuses chiites irakiennes. Cette position est en totale contradiction avec celle adoptée par le jeune chef radical Moqtada Sadr qui est partisan de la chasse par les armes des forces américaines d'Irak et qui avait affirmé : “Je suis l'ennemi de l'Amérique et l'Amérique restera mon ennemi jusqu'à la fin des temps.” Moqtada Sadr, dont l'épopée vient de s'achever à Nadjaf qu'il a dû fuir face aux menaces américaines et devant le déferlement des chiites rameutés par Sistani pour préserver le sanctuaire des effets de la guerre, n'a jamais été reconnu par les hérauts du chiisme. C'est en quelque sorte l'ayatollah des déshérités et des désespérés. Les autorités chiites ont également précisé que le principal souci de la Marjaiya est que le gouvernement et la police prennent le contrôle de Nadjaf et rétablissent l'Etat de droit. Les conditions imposées par la Marjaiya pour régler cette crise sont claires : fin des combats, disparition des combattants en leur offrant un couloir de sortie sécurisé et reconstruction de la ville. Ce plan a été concocté par Ali Sistani qui s'est rétabli de sa crise cardiaque à Londres, où il a séjourné trois semaines. Accepté par le radical Moqtada Sadr, dont les milices commençaient à montrer des signes de lassitude, et les autorités irakiennes, les propositions de Sistani ont abouti au départ des miliciens chiites du mausolée de l'imam Ali à Nadjaf. Les habitants de Nadjaf dévastée pestent contre les miliciens de Moqtada Sadr en retrouvant leurs maisons et leurs magasins dévastés par trois semaines d'intenses combats. “Regardez ce qu'ils ont fait à Nadjaf, la plupart de ces miliciens ne sont même pas d'ici. Ils représentent peut-être 5% de la population locale, alors que 70% de la vieille ville ont étés détruits”, a rapporté une agence de presse étrangère dans un reportage après le départ des miliciens de Sadr du mausolée d'Ali. Les rues de la vieille ville sont défoncées par les chenilles des chars américains et les bâtiments autour de la mosquée sont en ruines, calcinés après les échanges de coups de feu entre miliciens et Américains. Nadjaf n'était plus rien d'autre qu'un vaste champ de ruines sur un périmètre d'un kilomètre autour du mausolée de l'imam Ali. Dès l'aube, ce dimanche, alors que la ville se réveillait pour la première fois depuis des semaines d'une nuit sans violence, des familles ont commencé à se frayer un chemin à travers les morceaux de tôles et des pneus pour retrouver leurs maisons, du moins ce qu'il en reste. Le gouvernement a promis des dédommagements mais la tâche est herculéenne, conséquemment aux combats féroces qui avaient opposé les milices de Sadr aux Gi's de Bush. La municipalité de Nadjaf, notamment les sapeurs-pompiers qui avaient reçu l'aide de leurs collègues de la ville voisine de Kerbala, une autre ville sainte du chiisme, est à l'œuvre pour tenter de nettoyer le gros des dégâts. Les populations n'ont plus la ferveur qui les animaient lorsque les milices chiites bombaient le torse. Aujourd'hui, les journalistes ont droit à un autre discours : Harro sur Sadr et ses milices qui n'ont apporté que la mort et la destruction. Vive Sistani ! D. B.