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Au pays de la magnificence et des rites
Jijel
Publié dans Liberté le 26 - 08 - 2004

Pour le commun des algériens, évoquer Jijel c'est parler d'abord de sa corniche, de cette route sinueuse qui fait rêver les visiteurs, de sa splendide vue qui plonge au large de la grande bleue et des belles images qui se succèdent le long de sa côte. En période des vacances, la région est tout indiquée, car elle change de couleur et se métamorphose sous l'affluence des estivants venus de partout en quête de fraîcheur, de repos et de jolies cartes postales.
Aller à la rencontre de Jijel n'est pas du tout chose facile, surtout quand il est question d'emprunter la corniche. La sinuosité du chemin donne le tournis au plus intrépide des automobilistes et la ville semble imprenable au fil des méandres. Par moments, la circulation s'interrompt et on est obligé de maneuvrer ou de faire marche arrière pour sortir de l'imbroglio. Ceux qui ne sont pas au volant trouvent là l'occasion inespérée d'admirer l'espace de quelques minutes les merveilleux décors qui les entourent et les meilleurs visages de Dame Nature. En quittant Melbou, dernière commune de la wilaya de Béjaïa en direction de Ziama-Mansouriah, la route devient de plus en plus difficile. Mais cela n'importune en aucun cas les vacanciers et les touristes, ceux qui y vont pour s'imprégner de la magnificence du coin. Effectivement, dès que la route le permet, les passagers sont nombreux à s'arrêter pour filmer ou se prendre en photo en compagnie du singe magot, qui peuple le flanc verdoyant de la montagne. Pour les usagers de la corniche, les grottes merveilleuses de Ziama sont la première halte en accédant au territoire de la wilaya de Jijel. On ne peut pas passer sans pénétrer à l'intérieur des grottes et faire un petit saut dans les fins fonds de l'histoire et de la géologie. Dehors, le site est prenant, il invite au repos et suscite l'admiration. Le paysage est merveilleux.
On y trouve de tout, au pied de la montagne une étendue d'arbres offre aux passagers épuisés par le voyage des espaces ombrageux où il devient plus qu'agréable de prendre son repas et faire sa petite sieste, pourquoi pas, si on n'est pas pressé par le temps ou d'autres contraintes. Sur le bas-côté, la mer s'étend à perte de vue et les parasols sur la petite plage se font de plus en plus nombreux dès les premières lueurs du jour. Ici, tout près des grottes, un oued à proximité de la plage donne au site un cachet supplémentaire et aux baigneurs la possibilité de choisir son eau. C'est ici aussi que commencent les campements des colonies de vacances. Juste au bord de l'oued et non loin de la plage dans un semblant de terrain peu accidenté se dressent les chapiteaux des scouts musulmans. C'est le premier campement qu'on rencontre sur la route de la corniche. Le long de celle-ci et jusqu'à la commune d'El-Aouana à quelques encablures seulement de la ville de Jijel, les centres de colonies de vacances se tiennent sans discontinuité. Les Aftis, El Aouna, Rocher noir, Bordj Blida ou le grand phare sont autant de plages qui connaissent cette année en cette période du mois d'août une affluence record. Pour passer des vacances à Jijel, les gens viennent de partout. On en rencontre de toutes les régions du pays sans oublier nos compatriotes vivant sur l'autre rive de la Méditerranée et qui rentrent chaque été pour goûter à la beauté des sites jijeliens. Le long de la corniche, au bord des plages et dans la ville de Jijel, on rencontre des véhicules immatriculés dans les quarante-huit wilayas du pays.
Les Algérois ont battu le record
Cette année, le record est détenu par les Algérois qui sont venus en force savourer les paisibles moments de la farniente à la jijelienne. En effet, depuis l'éradication du terrorisme dans la région et l'affaiblissement des actes criminels, l'activité sur la côte est, en nette croissance, et l'ambiance sur les plages ne cessent de grandir. Néanmoins, “on ne fait rien pour aider les jeunes qui veulent investir. Ici, la jeunesse se sent totalement abandonnée, car aucun avantage ni aide ne lui sont fournis par les autorités. Vous n'avez qu'à juger de vous-mêmes. Regardez ce coin de paradis où quotidiennement les gens affluent par milliers mais aucun établissement d'accueil n'a été prévu”, dira le jeune Saïd rencontré aux les alentours des grottes merveilleuses. En effet, et pour des raisons difficiles à expliquer, la wilaya de Jijel en dépit de la splendeur de ses paysages, de ses énormes potentialités et de la richesse que renferment ses 120 kilomètres de côte, n'arrive toujours pas à faire décoller son économie. L'investissement dans cette région fortement gâtée par la nature reste très timide pour ne pas dire inexistant. Abondant dans le même sens, un autre jeune tentera quant à lui d'expliquer la chose politiquement. “Jijel, c'est l'avenir financier des gens qui nous gouvernent. Le manque d'investissement est parfaitement programmé. Jijel est un joli gâteau qu'on garde en réserve pour le partager plus tard, quand tout sera fini”, fera remarquer Zino que nous avons rencontré dans la ville de Jijel quelques jours plus tard.
En matière d'établissements hôteliers, le constat n'est guère reluisant. Jijel, contrairement à d'autres métropoles d'égale envergure, ne compte qu'un nombre très réduit d'hôtels et les complexes touristiques se comptent sur les doigts d'une seule main. La forte affluence en saison estivale fait que tous ces lieux affichent complet et les réservations remontent parfois à plusieurs mois avant le début des vacances.
le Kotama, l'hôtel de la municipalité qu'on appelait naguère le Casino, est situé sur le front de mer. Pour des motifs sécuritaires, il est resté fermé durant plusieurs années. Après de longs mois de réfection, il a fini néanmoins par rouvrir ses portes pour accueillir un tant soit peu le nombre important d'estivants qui viennent pour passer des vacances à Jijel. Ressemblant à la majorité des villes algériennes, Jijel offre l'image d'une cité inachevée. Son ancienne ville est très coquette avec son cachet original.
Mais tout autour, sur les hauteurs surtout, les cités ne cessent de pousser et les immeubles se multiplient à une vitesse grand V. Et dire qu'il y a quelques années seulement du côté du camp chevalier, les arbres — du chêne-liège — côtoyaient les dernières constructions de la ville. En somme, aux alentours, tous les terrains ont été rasés puis investis par le béton. Les bâtiments pullulent mais la grosse part a été cédée aux particuliers pour y construire des maisons et des villas.
“Le soir, la ville ferme très tôt”
Aux quatre coins de la ville, à défaut de créer des boulevards commerçants et animés, on trouve des quartiers résidentiels ou des cités-dortoirs sans vie et sans animation.
Tout cela a été conçu au détriment de l'investissement dans tous les secteurs. Cette inertie est ressentie malheureusement par ceux qui viennent à la rencontre de Jijel, espérant passer un séjour séduisant où l'animation et le divertissement occuperont les premières places. “C'est la deuxième année qu'on vient à Jijel pour des vacances, mais ce n'est pas très gai. La première semaine, ça va, car on est occupés par la plage mais après on ne trouve rien pour se divertir. Le soir, la ville ferme très tôt et l'ambiance est morose”, dira Soumia, une fille de 17 ans rencontrée sur la plage du Rocher noir. Son frère Anis n'apprécie guère lui non plus le fait qu'il ne peut passer des soirées animées. “Ce que je regrette le plus, c'est qu'en dehors de la plage, à Jijel, il n'y a pas de lieux où on peut se rendre seul ou en famille pour passer des moments agréables, pas de cinéma, pas de galas, pas de parc d'attractions...”, se désole notre jeune interlocuteur. En effet, sur le front de mer appelé communément Casino, les gens se rendent chaque soir, mais c'est toujours le même train-train. Sur le large trottoir qui longe la plage Kotama, et qui ressemble un peu à Las ramblas de Barcelone, le va-et-vient des personnes seules ou en familles est incessant. Mais aucune animation n'est prévue par les autorités pour divertir l'assistance qui essaie tant bien que mal de se frayer un chemin entre la multitude de tables de billard et de baby-foot, et les petites tables des vendeurs à la sauvette. Une fois épuisées par les allers-retours, les familles auront juste le temps de déguster une glace ou siroter une boisson au bord de la mer avant de rentrer chez elles. Avant, en pareille période, les usagers de ces lieux avaient l'heureuse chance de suivre et de participer au festival du rire qui se tenait chaque année sur la place Kotama. Pour l'été 2004, les autorités locales avaient jugé bon de le faire déménager. La manifestation culturelle s'est déroulée en l'absence du large public, du 10 au 20 août, au théâtre de plein air de Bordj-Blida, une plage située à plusieurs encablures de la ville de Jijel.
Aussi, et de l'avis de plusieurs personnes interrogées, l'absence de lieux de distraction et le manque de moyens de divertissement seraient dus en partie au conservatisme qui caractérise la région.
À jijel, les rites et traditions passent avant toute chose. Et les anciennes habitudes se traînent de père en fils et ne risquent pas de se perdre en cours de route. Mais cela ne décourage pas les milliers, voire les millions d'estivants qui chaque été mettent le cap sur Jijel pour aller à la découverte de ce coin de paradis qui mérite beaucoup plus d'égards de la part de la population et des autorités.
A. S.
Les Grottes merveilleuses
Les grottes merveilleuses dans la commune de Ziama-Mansouriah ont été découvertes durant la période coloniale, en 1917 précisément. La découverte de la première grotte fut l'œuvre de forçats algériens qui servaient dans le secteur des travaux publics. Les prisonniers étaient utilisés dans les gros travaux de construction et la confection des œuvrages d'art. Selon les explications fournies par le guide, à sa découverte, l'excavation était remplie d'eau douce et il a fallu plusieurs années pour que les lieux soient complètement débarrassés du contenu. La première visite des grottes remonte à 1940. On avait d'abord prévu une entrée depuis la route de la corniche puis une deuxième issue fut conçue à partir de la falaise surplombant la mer. à l'intérieur des grottes règne une température invariable de 18°C et l'on peut découvrir toutes sortes de formes géométriques confectionnées par une variété de minéraux. Des formations remontant à plusieurs siècles et des masses façonnées par le temps suggèrent au visiteur une diversité de représentations. De la statue de la liberté, à la pièce montée en passant par des formes d'animaux et bien d'autres silhouettes et configurations que l'esprit humain n'éprouve aucun mal à imaginer.
A. S.


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