Le terrorisme a tout l'air de vouloir marquer le millénaire. Partout, il n'est question que de ce phénomène, qui s'est même mondialisé plus rapidement que l'OMC. Le monde entier est confronté à sa menace. Quels qu'en soient la géographie, la culture ou le niveau de développement. L'Arabie Saoudite, bien qu'elle ait été le berceau de l'islamisme politique, n'a pas échappé à la contagion terroriste. Les wahhabites ont fini par devenir les victimes de leur propre wahhabisme. Histoire cocasse de l'arroseur arrosé si le mouvement n'avait soufflé que chez ses géniteurs. Les terroristes, qui ont emprunté au monde moderne toutes ses nouvelles innovations, ne se recrutent pas seulement dans les poches de misère et dans les foyers de ressentiments. Dans les attentats de New York et de Madrid, ce ne sont pas des bagagistes mais bel et bien des jeunes hommes, bien mis et bardés de diplômes. Les terroristes ne quittent plus la Une des médias, leurs activités sont couvertes en boucle et à profusion dans le monde entier et les NTI (Nouvelles technologies de communication) n'ont pas de secrets pour eux. Ils surfent sur le net avec autant de brio que Bill Gates, le père de Microsoft, ou ces traders qui véhiculent — non stop — le roi dollar, de New York à Tokyo, passant par Londres et Paris. Même les dernières guerres conventionnelles, encore en activité dans des zones particulièrement déshéritées, fonctionnent sur le mode terroriste. Terreurs individuelles et collectives et multiples exactions. Du viol aux menaces, chantages, mutilations et expropriations avec, au bout du parcours, des génocides parfois à grande échelle. La recette semble être universelle : des sentiments identitaires très terre à terre en s'assurant un réservoir de guerriers grâce, notamment, au dressage d'enfants élevés dans l'esprit du sacrifice de soi avec l'idée que la mort n'est, en fin de compte, qu'un jeu, quand ce n'est pas une exaltation pour l'assurance d'un au-delà paradisiaque. Aujourd'hui, des Etats, des pouvoirs et des peuples ont affaire, non pas à des ennemis identifiés et répertoriés en tant que tels, mais à des guerres sans adversaires visibles, ni front. La définition est du ministre russe de la Défense, Sergueï Ivanov, désemparé devant la prise d'otages, hier matin, de quelque deux cents élèves d'une école d'Ossétie du Nord, une République du Caucase voisine de la Tchétchénie, par un commando de dix-sept personnes portant des ceintures d'explosifs. Le terrorisme, lorsqu'il atteint le stade où il ne peut plus se suffire de cibles particulières, n'hésite pas alors à se transformer en faucheuse industrielle. Pour rester dans le contexte de la Russie, la série d'actes terroristes commis depuis juin 2000 est le fait de femmes kamikazes. Des veuves noires, selon les médias russes, le plus souvent les épouses, mères ou sœurs de combattants indépendantistes tchétchènes, tués lors des affrontements avec les forces fédérales ou enlevés par des hommes armés et disparus sans laisser de trace. Les concepteurs du terrorisme savent de quoi est capable un individu pour venger un des siens et le sentiment se démultiplie lorsque c'est un groupe qui est animé par la loi du talion. La prise d'otages au théâtre de la Doubrovka à Moscou, en octobre 2002, avait marqué un tournant dans le rôle des femmes combattantes tchétchènes. Sur 41 membres du commando suicide qui avaient retenu pendant 57 heures plus de 800 personnes, 19 étaient des femmes, portant des voiles islamiques et des ceintures d'explosifs. Mais l'esprit de vengeance n'est pas systématiquement opérationnel. Dans une enquête, une journaliste russe devait conclure que parmi ces femmes de la mort, seulement une sur dix serait mue par une idée, tandis que les neuf autres, souvent gavées de psychotropes, seraient manipulées par des chefs de guerre. Cette thèse a l'avantage d'être partagée par les spécialistes du terrorisme. Le terrorisme, en général, obtient l'effet inverse de ses ambitions. Dans le cas des journalistes français, otages d'un groupuscule islamiste irakien, le gouvernement français a vu pleuvoir sur sa politique étrangère une reconnaissance que, franchement, très peu de pays avaient obtenue. Le monde entier, à commencer par les pays arabes et musulmans, n'a cesse de se déclarer mobilisé totalement avec la France, exigeant la libération de ses deux otages par leurs ravisseurs. Paris, qui avait éprouvé des difficultés pour faire avaler la pilule du foulard à l'école, a dorénavant l'appui de toutes ses communautés religieuses, musulmane en particulier. Le terrorisme peut cependant mettre le feu aux poudres entre communautés de religions différentes. Une foule en colère a tenté de prendre d'assaut l'ambassade d'Egypte à Katmandou, qui représente les intérêts irakiens au Népal au lendemain de l'annonce de la mort des 12 otages népalais en Irak, après avoir incendié la principale mosquée et les bureaux de Qatar Airways. Les 12 Népalais, qui travaillaient en majorité comme cuisiniers et dans des laveries, ont été tués par le groupe islamiste Ansar Al-Sunna, proche d'Al-Qaïda. De toutes les façons, il n'y a pas d'autre antidote au terrorisme que de le combattre vivement. Le reste n'est que faux-fuyant ou l'expression de l'absence d'une réelle volonté politique. D. B.