Le gouvernement turc jette le gant : sa disposition controversée sur la criminalisation de l'adultère ne sera pas soumise au Parlement. Des manifestants, pour la plupart des femmes, ont marché vers le parlement turc, dénonçant la tentative de l'AKP (parti islamiste au pouvoir) de réintroduire des lois discriminantes à l'égard des femmes, scandant “notre corps nous appartient, bas les mains” et exigeant des élus de mettre fin à la violence contre les femmes plutôt que de s'occuper de l'adultère, sous des photos de femmes victimes de crimes d'honneur perpétrés par un père ou un frère qui a agi pour sauver l'honneur de la famille. AKP, qui s'est défendu de ne rétablir qu'une loi rayée en 1996, a compris aussi qu'avec une telle disposition, il réduisait ses chances d'adhérer au club de l'UE. Son projet de peine de prison pour les époux infidèles, couplé à l'emprisonnement de mineurs pour rapports sexuels, a provoqué une grande hostilité chez les dirigeants européens. Un parti islamiste reste un parti islamiste. L'AKP, sous des dehors modernistes, poursuit le rêve de contrôler les corps et l'identité des femmes en les enfermant à la maison. Pour l'Union des travailleurs femmes, ces projets sont une manœuvre pour provoquer un retour en arrière en Turquie qui, après la proclamation de la République en 1923, avait entrepris d'immenses réformes en faveur des femmes. Au Caire, le débat sur la polygamie est de retour. Pour lutter contre le célibat des femmes, des muftis recommandent aux Egyptiens de prendre une seconde épouse. Al-Azhar, plus haute autorité de l'islam sunnite, a rejeté le projet de loi prévoyant de pénaliser le mariage avec une seconde épouse, en imposant notamment des amendes. Le texte était pourtant, proposé par le Conseil national de la femme, présidé par l'épouse du chef de l'Etat, Mme Suzanne Moubarak. Le grand mufti d'Egypte, Cheikh Ali Gomaa, a fermement rappelé que la charia accorde aux musulmans le droit de convoler avec quatre épouses à la fois et n'impose ni sanctions ni amendes aux bénéficiaires, alors que le recteur d'Al-Azhar, Cheikh Tantaoui, avait, auparavant, refusé d'entériner une résolution du Conseil mondial des femmes en faveur de l'abrogation de la polygamie. L'argument choc : l'Egypte compterait entre 7 et 9 millions de femmes célibataires âgées de plus de 20 ans. Le chômage et les difficultés à se loger et à gagner correctement sa vie ainsi que les frais énormes du mariage expliqueraient en partie la désaffection des hommes pour le mariage. Le célibat volontaire se répand par ailleurs parmi les femmes, notamment les instruites, qui ne veulent pas refaire l'expérience de leur mère et de leurs sœurs. La polygamie est conditionnée par des moyens de subvenir aux dépenses de plusieurs foyers à la fois en toute équité. Moins hypocrites, des cheikhs disent : puisque l'homme est capable d'avoir des relations avec plus d'une femme à la fois, il est plus sain que cette relation s'inscrive dans le cadre de la charia, au lieu que la femme soit traitée en concubine ou en maîtresse. Cette explication a le mérite d'être plus claire. D. B.