Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gùl a de nouveau échoué, hier, dans sa tentative d'être élu chef de l'Etat, faute de quorum au Parlement, et devait annoncer qu'il jette l'éponge, mettant ainsi fin à un processus électoral qui a provoqué une crise politique. Le président du Parlement Bùlent Aring a procédé à deux décomptes des députés présents dans la salle pour pouvoir ouvrir le scrutin. Mais le quorum des deux tiers, soit 367 députés, n'ayant pas été atteint, il a levé la séance, boycottée par l'opposition comme lors d'un premier tour de scrutin le 27 avril. Abdullah Gùl avait annoncé peu auparavant qu'il se retirerait de la course s'il n'était pas élu. “Je vais me retirer, il est exclu désormais que je sois candidat”, a-t-il dit à des journalistes au Parlement avant et après le décompte des députés. 356 et 358 députés étaient présents lors des deux décomptes, a dit M. Aring. M. Gùl, numéro deux du Parti de la justice et du développement (AKP) issu de la mouvance islamiste, avait obtenu 357 voix sur les 367 requises pour être élu, lors du premier tour de scrutin. L'AKP dispose de 352 députés. Il s'est heurté à l'hostilité de l'armée et d'une partie de l'opinion publique, qui se disent soucieuses de préserver le caractère laïque de la République turque. Le premier tour de l'élection avait été annulé le 1er mai par la cour constitutionnelle, selon laquelle les deux tiers des députés devaient être présents pour que le vote puisse être valable. L'armée a accusé le gouvernement le soir même du premier tour de vote de ne pas défendre la laïcité, menaçant d'intervenir. Pour sortir de l'impasse, l'AKP a convoqué des élections législatives anticipées pour le 22 juillet, au soulagement général, y compris sur les marchés monétaires. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a toutefois dans le même temps présenté au Parlement une série d'amendements constitutionnels dont le principal prévoit l'élection du président au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable au lieu du mandat unique de sept ans actuel. Plusieurs dispositions du projet ont été adoptées en commission parlementaire mais on ignore quand il sera débattu en séance plénière. Le principal parti d'opposition, CHP, s'y oppose par principe, estimant qu'il a été préparé “à la hâte” par l'AKP. “Si l'on ne peut pas élire le président au Parlement, alors c'est au peuple de se prononcer”, a estimé hier un député influent de l'AKP, Sadullah Ergin. M. Gùl s'est dit certain de l'emporter si le mode de scrutin était changé, dans un entretien publié samedi par le Financial Times. “Le soutien à mon égard est de 70% (dans la population). C'est pourquoi nous avons décidé de nous adresser au peuple. J'aurai la majorité au premier tour”, a-t-il assuré. Le président sortant Ahmet Necdet Sezer, un laïc rigoureux, dont le mandat expire le 16 mai, doit rester en fonction jusqu'à l'élection de son successeur. L'élection présidentielle a provoqué un mouvement populaire sans précédent dans le pays, qui a entamé en 2005 des négociations d'adhésion à l'Union européenne. Deux manifestations, à Ankara et Istanbul en avril, ont réuni chacune plus d'un million de personnes qui affirmaient leur désir de préserver leur mode de vie et dénonçaient la dérive islamiste, selon eux, de l'AKP. R. I./Agences