Menace n La justice devrait examiner, ce lundi, une demande d'interdiction de politique pour 5 ans à 71 membres du parti AKP dirigé par le Premier ministre M. Erdogan. Les Turcs se sont réveillés, ce matin, sous le choc d'une demande de dissolution du parti gouvernemental, dont les cadres dirigeants sont soupçonnés d'islamiser la société. Le procureur de la Cour de cassation a, en fait, déposé, hier, vendredi, devant la Cour constitutionnelle, une demande visant à interdire le Parti de la justice et du développement (AKP) et son chef, le Premier ministre M. Erdogan, en raison d'activités antilaïques. Le procureur recueillait des preuves depuis plusieurs mois à l'encontre de l'AKP, a-t-on annoncé de sources judiciaires. Le procureur accuse cette formation d'être «devenue un foyer d'activités allant à l'encontre de la laïcité». Le président de la Cour constitutionnelle a confirmé avoir reçu le document et affirmé qu'il demandait que 71 membres de l'AKP soient interdits de politique pour cinq ans. Les noms de M. Erdogan, du président Abdullah Gül, et de l'ancien président du Parlement figurent en tête de la liste. Selon lui, les magistrats se réuniraient ce lundi pour évaluer la recevabilité de la demande. L'AKP a immédiatement dénoncé une atteinte à la démocratie. «La cible dans cette affaire n'est pas l'AKP, mais la démocratie turque et le peuple turc», a déclaré le vice-président du parti après une réunion d'urgence. «Il s'agit de la plus grande injustice commise contre la Turquie, notre démocratie, la volonté de notre nation, notre paix et notre stabilité, notre prestige dans le monde», a-t-il poursuivi. La démarche du procureur intervient alors que le Parlement dominé par l'AKP a voté, en février, une réforme très contestée autorisant le port du voile islamique dans les universités au nom des libertés individuelles. Les défenseurs de la laïcité – particulièrement influents au sein de l'armée, de la magistrature et de l'administration des universités – accusent l'AKP de vouloir mener une islamisation rampante de la Turquie, à 99% musulmane mais au régime laïque. Depuis son arrivée au pouvoir, en 2002, le parti et son dirigeant M. Erdogan sont sous le feu des critiques pour des projets controversés – tentative de criminaliser l'adultère, prohibition de l'alcool dans les espaces publics et la légalisation du voile dans les facultés. Le parti a remporté une victoire sans conteste aux dernières législatives de juillet 2007, en obtenant près de 47% des suffrages. Jusqu'à ce jour, la Cour constitutionnelle s'est toujours prononcée en faveur de l'interdiction d'un parti accusé d'activités antilaïques. Depuis la création en 1961 de cette Cour, quatre formations ont été interdites pour les mêmes motifs, dont les deux derniers sont le Parti de la prospérité (Refah) en 1998, et le Parti de la vertu (Fazilet) en 2001. C'est dans ces partis que les cadres de l'AKP ont fait leurs classes politiques.