Les titres de la presse du royaume ont tous désigné l'Algérie comme étant à l'origine de la décision de Pretoria. Elle est presque vécue comme un mercredi noir de la diplomatie marocaine : la décision de la République de l'Afrique du Sud d'établir des relations diplomatiques avec effet immédiat avec la République arabe sahraouie démocratique (RASD) n'a pas tardé à provoquer une véritable levée de boucliers dans la presse du royaume alaouite. Et comme il fallait bien s'y attendre, car souvent prompte à ce genre d'exercice, la presse, qui exprime en général les points de vue du palais, s'est empressée de pointer un doigt accusateur à l'endroit d'Alger, inspiratrice à ses yeux de la décision de Pretoria. Pour l'essentiel des titres, ce sont les intérêts économiques qui sous-tendent la décision de Pretoria, “l'idéologie des pétrodollars” pour reprendre une expression du Matin du Sahara, un journal proche du gouvernement. Sous un titre fort éloquent “Algérie et Afrique du Sud, collusion contre nature”, le Matin, qui trouve la décision sud-africaine “étrange et déplorable”, note par ailleurs qu' “il est vrai, néanmoins, que l'idéologie des pétrodollars s'est substituée à la vertueuse leçon du pacifisme, comme il est vrai que l'Algérie, dont le machiavélisme à l'égard du Maroc fait feu de tout bois, — ne sait que faire de 30 milliards de dollars —, et que le renouvellement de sa politique d'armement, après l'effondrement de l'Union soviétique qui fut le principal pourvoyeur, trouve en Pretoria un bel exutoire”. Plus loin, il ajoute que “ce n'est pas simplement d'une reconnaissance de la RASD, de ce — pauvre peuple sahraoui — sacrifié sur l'autel de la réalité économique qu'il s'agit, mais bel et bien d'une collusion algéro-sud-africaine, en termes d'intérêts à la fois politique et économique. Cette collusion n'a de sens que si elle met en relief l'équation évidente de l'échange pétrole-armements, de dessiner les contours d'une hostilité inédite à l'égard du Maroc, inscrite dans la vision hégémonique que nos voisins immédiats croient concocter”. “Cherchez l'Algérie”, titre pour sa part El Alam (nationaliste) qui assure que “tout était programmé entre les autorités algériennes et le gouvernement sud-africain”. De son côté, L'Economiste croit savoir que la décision sud-africaine est “une manœuvre algérienne pour torpiller l'initiative marocaine qui sera présentée prochainement à New York”. Ce journal ne manque pas de relever au passage le timing de cette décision qui intervient à la veille de l'AG de l'ONU et parallèlement à la visite à Alger du nouvel envoyé spécial de Kofi Annan, M. De Soto, qui avait rappelé qu'il était mandaté pour trouver une solution entre les parties, reposant sur le principe du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. “Quelle mouche a donc piqué l'Afrique du Sud ?” s'interroge pour sa part, aujourd'hui, le Maroc. Selon lui, “ce pays (L'Algérie, ndlr) a dû monnayer au prix fort la reconnaissance de Pretoria”. “L'Afsud est en effet l'un des principaux fournisseurs d'armes de l'Algérie”, assure-t-il. Il ajoute : “L'escarmouche de Pretoria, soufflée par Alger, est néanmoins à prendre au sérieux. Elle devrait conduire notre diplomatie à plus de vigilance, de fermeté et de doigté pour clore définitivement le dossier du Sahara”. Cette réaction des médias marocains qui accusent Alger d'être derrière la décision sud-africaine n'est sans doute pas de nature, comme l'appréhendent d'ores et déjà certains observateurs, à participer de la relance de la construction de l'espace maghrébin. K. K.