Le risque demeure d'un saupoudrage de fonds énormes sur des projets mal identifiés et sans consistance réelle, surtout que le pouvoir, désormais, n'a pas en face de lui d'autres organes de contrôle que les siens propres. Les nouvelles en provenance du “front” des hydrocarbures sont plus que bonnes. Le ministre de l'énergie et des mines lui-même l'a dit, hier, l'Algérie aura engrangé, à la fin de l'année en cours, pas moins de trente milliards de dollars au titre exclusif des recettes des hydrocarbures, un record historique. Le calcul est vite fait, les réserves de change du pays vont probablement dépasser les quarante milliards de dollars, un pactole jamais atteint, là-aussi, et susceptible de faire naître chez l'Algérien un sentiment, ou plutôt l'illusion d'une richesse que ne lui renvoie pas, en tout cas, son quotidien. Riche, pas riche ? Tout est relatif et tout dépend de l'usage que les gouvernants voudront bien faire de ces rentrées en devises inattendues et qui sont une aubaine pour une économie qui a arrêté ses prévisions à un baril à 19 dollars. De ce côté-ci, les premiers signes perceptibles sont ceux de dirigeants qui ont la tête sur les épaules et auxquels l'afflux massif de pétrodollars n'a pas donné le tournis ni d'élan de générosité exceptionnel. Le projet de loi sur les hydrocarbures, c'est-à-dire leur privatisation, vient d'être exhumé après avoir été remisé en catimini, avant le 8 avril, sous une extraordinaire pression politique et sociale. Le reste du dossier des privatisations est lui aussi remis au goût du jour avec, cette fois, la bénédiction d'un partenaire social, l'UGTA, qui ne se mettra pas en travers pour peu que la dimension sociale fût préservée. Tout est-il, donc, pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Les Algériens, sachant d'expérience que les embellies financières peuvent être mauvaises conseillères. Il y a eu de l'argent par le passé, mais —on le sait— il n'a pas servi à dégripper la machine économique ni à créer de l'emploi. C'est pourquoi l'annonce d'un nouveau plan de relance économique de 50 milliards de dollars pour les cinq prochaines années ouvre au moins autant d'interrogations qu'il n'apporte de réponses aux problèmes qu'il est destiné à régler. Si l'on en juge par les méthodes, fortement teintées d'équilibrisme régionalo-politique, auxquelles ont eu recours les autorités pour répartir les sept milliards de dollars du précédent plan, le risque demeure d'un saupoudrage de fonds énormes sur des projets mal identifiés et sans consistance réelle, surtout que le pouvoir, désormais, n'a pas en face de lui d'autres organes de contrôle que les siens propres. A. H.