Pour l'année 2003, trente mille nouveaux cas ont été enregistrés. Des spécialistes tirent la sonnette d'alarme. Sournoisement, le cancer, cette terrible maladie du siècle, fauche, chaque année, des milliers d'Algériens. Des vieux comme des jeunes, des hommes comme des femmes meurent de cette pathologie fatale que les moyens dérisoires mis à la disposition de nos hôpitaux et de nos spécialistes ont bien du mal à dompter. Trente mille nouveaux cancéreux ont été recensés durant la seule année 2003 par les registres de cette maladie tenus à Alger, Oran et Sétif. Ce nombre est évidemment effarant pour un pays comme l'Algérie moins vulnérable, théoriquement, par rapport aux nations les plus industrialisées. Les temps ont malheureusement changé. Notre pays est devenu un foyer épidémique depuis quelques années, et le cancer ronge inexorablement les entrailles de nombreuses personnes qui, dans la plupart des cas, se consument à petit feu face à la terrible fatalité. C'est que les praticiens de la santé, souvent, ne font qu'accompagner les malades à leur dernière demeure tant le cancer est diagnostiqué à un stade terminal. Et l'état des lieux ne prête guère à l'optimisme. Si en 1990 par exemple, il a été enregistré 500 nouveaux cas, le nombre a quintuplé en 2002 en atteignant le pic de 2 500 patients. Pis, des statistiques font ressortir que pas moins de 100 nouveaux cas sont signalés annuellement pour chaque 100 000 habitants. Selon les conclusions d'une équipe de professeurs spécialistes de l'EHS et Pierre et Marie-Curie d'Alger, il a été observé la prévalence du cancer lié au tabagisme (poumon, vessie) chez l'homme suivi du cancer digestif (colorectal, gastrique et pancréatique). Pour la femme algérienne, le cancer du sein est la première cause de la mortalité par cancer, suivi de celui du col utérin et du cancer digestif. D'après les chiffres rendus publics dans la revue Les fascicules de la Santé, dirigée par Dr A. Salah Laouar, pas moins de 7 000 nouveaux cas de cancers du sein ont été enregistrés en Algérie en 2002. Mais attention, la femme algérienne est sujette de plus en plus à des cancers autrement plus dangereux, à savoir les cancers broncho-pulmonaires. Considérés jusque-là comme une maladie à prédominance masculine, ces cancers liés au tabagisme tuent des centaines de femmes qui s'adonnent à la cigarette. Les mêmes sources médicales précisent, en effet, que le nombre d'Algériennes souffrant de cette affection augmente rapidement en raison de l'accoutumance de plus en plus de femmes au tabac. Ceci d'autant plus qu'il est connu que 90% des cancers bronchitiques sont liés au tabac. Mais l'homme en Algérie demeure la proie numéro un de ce type de cancer dont les tumeurs sont liées à 90% des cas au tabagisme. Il est établi que le risque de cancers broncho-pulmonaires est proportionnel à la dose et à la durée de consommation du tabac. D'autres facteurs professionnels tels que l'exposition d'une personne à des substances nocives comme l'amiante, les rayonnements ionisants, la poussière, le chrome et le goudron peuvent également augmenter le risque. Ce risque est cependant multiplié quand le sujet est fumeur. Cela étant dit, d'autres cancers moins dangereux, sans doute, tuent tout de même beaucoup d'Algériennes et d'Algériens comme celui du cavum, de la prostate, de l'ovaire, du col des voies biliaires et du pancréas en l'absence de diagnostic précoce. Les spécialistes du CPMC soutiennent, en tout cas, que ce type de diagnostic recommandé par l'OMS reste marginal et ne concerne qu'un malade sur cinq. Et là, ils mettent le doigt sur la plaie : il est constaté soit l'insuffisance ou carrément l'inexistence des deux spécialités fondamentales en cancérologie, à savoir la cytopathologie et la médecine nucléaire. Les praticiens mettent en avant aussi les carences dans la formation médicale en graduation et en postgraduation pour expliquer les retards dans les diagnostics. Ces conclusions tirées de l'expérience de tous les jours dans le service oncologie médicale au CPMC renseignent assez bien sur le chemin que doit parcourir l'Algérie pour freiner l'avancée à grandes enjambées du cancer dans la société. L'avertissement du Pr Bouzid Les localisations cancéreuses traitées dans ce numéro du Fascicule de la santé, choisies pour leur prévalence en Algérie, font ressortir un retard au diagnostic quasi-constant et peu de formes curables chirurgicalement. Il est relevé aussi les coûts de traitement prohibitifs pour des résultats s'exprimant en survie, et rarement en guérison. La surcharge des centres de traitement, qui s'est nettement aggravée depuis 1995, fait proposer qu'à l'instar des autres pathologies chroniques (tuberculose, sida) un programme national urgent de développement de la cancérologie, dans tous ses aspects (formation graduée, postgraduation, continue, recherche fondamentale, recherche clinique, prévention information et communication) soit mis place, réparti harmonieusement sur le territoire national. Ce programme sera le reflet d'une volonté de l'Etat, dont l'implication, la motivation et l'évaluation continues sont indispensables. Ce sera aussi un signal fort que les soignants et les cancéreux sont réellement pris en charge. H. M.