Au pied de la montagne du Djurdjura, chaque village de Kabylie est différent de l'autre par le cachet traditionnel qui le distingue. La localité d'Iferhounène, située à 65 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, est confinée depuis toujours dans une situation d'enclavement et une multitude de problèmes liés au cadre de vie de ses habitants, problèmes accentués au fil des ans. Toutefois, cette région montagneuse, composée de près de 23 villages situés au piémont du célèbre massif du Djurdjura avec une population estimée à 14 000 habitants, est confrontée à une réalité insurmontable surtout en hiver où le climat rigoureux sévit de plein fouet. Ce chef-lieu de daïra continue de ce fait d'enregistrer à l'instar des autres régions de la Haute-Kabylie un retard criant en matière de projets de développement local pouvant améliorer le modeste quotidien de ces montagnards qui n'aspirent, cependant, qu'à voir leur région et plus particulièrement leurs villages dotés du strict minimum vital, à savoir les commodités nécessaires à une vie décente. Pour un enseignant de cette localité, “une nouvelle approche de la gestion des affaires de la commune qui nécessite des efforts importants pour la relance du développement local laisse plusieurs citoyens sceptiques d'autant que des stigmates des évènements qu'a vécus la région, en particulier, et la Kabylie, en général, ne sont pas près d'être oubliés et de s'effacer”. Ainsi, parmi les problèmes qui continuent de toucher de très près les citoyens de cette commune, le manque d'alimentation en eau potable qui ressurgit avec acuité durant la période de fortes chaleurs. Sur ce point, la station de pompage d'eau potable, près du village de Soumer ouverte en 1977 pour l'acheminement de l'eau de source captée en haute montagne au lieudit Tala Imelounene (source blanche), située au-dessus du village de Khensous, n'arrive cependant pas à satisfaire pleinement les besoins grandissants de la population des différents villages et le centre urbain de cette localité. A cet effet, malgré les potentialités énormes dont dispose cette région montagneuse en matière de ressources hydriques, eau souterraine notamment, un taux important de cette richesse précieuse se perd dans la nature et ce, à cause du manque de volonté et de moyens pour une meilleure prise en charge de ce liquide par le biais de l'installation de bassins de rétention et de l'ouverture de pistes carrossables. A ce titre, cette station de refoulement que nous avons visitée est cependant équipée de trois groupes électropompes, dont la capacité de production est estimée, selon le responsable de l'agence ADE d'Iferhounène, à 72 mètres cubes/heure. Cette station qui fonctionne 10 heures au maximum sur 24 h achemine un volume de 500 m3/jour répartis à travers le château-tête à toute la commune pour un système d'approvisionnement d'un jour sur cinq. Selon ce responsable de l'ADE, “pour pouvoir renforcer l'alimentation en eau potable dans cette commune, il y a lieu d'abord de procéder au rassemblement de ses capacités hydriques souterraines en haute montagne, éviter les gaspillages et les branchements illicites qui peuvent constituer un apport non négligeable et construire des réservoirs de mobilisation, de moyens de vannage et se doter de moyens de traitement locaux de ces sources”. Selon notre interlocuteur rencontré, depuis le retour de l'agence (ADE) dans cette localité en 2001, la situation de distribution de l'eau est devenue maîtrisable et ce, grâce notamment à l'instauration d'un ensemble de mesures réglementaires, telles l'installation de compteurs dans les foyers pour la comptabilisation de la consommation qui se faisait auparavant gratuitement, et le rationnement accentué pour parer au phénomène du gaspillage. D'autre part, pour améliorer un tant soit peu l'état de l'AEP sur le versant de Béchar, où le problème de pénurie d'eau se pose avec acuité, la commune d'Iferhounène vient d'achever la réfection de la conduite d'adduction du réseau AEP sur une distance de 2 500 mètres linéaires dans le cadre du PCO 2003, qui relie le réseau du chef-lieu de la commune d'Abi Youcef à partir de Souk El-Djemaâ vers Tizi Bouren pour renforcer l'alimentation d'eau. Pour le premier vice-président de cette APC, “les services de l'ADE et de l'hydraulique de la wilaya ont été saisis pour donner leur feu vert afin de se connecter sur le réseau de Souk El-Djemaâ pour reprendre l'alimentation dudit versant de la commune”, nous indique-t-il. Un autre projet de réalisation d'une conduite d'AEP dans le cadre du PSD, reliant le village d'Aït El-Mansour à Tikaâtine, a été achevée sur une distance de 1 000 mètres liénaires pour desservir plus de cinq villages environnants, apprend-on auprès des services de cette APC. Par ailleurs, dans le cadre du programme des PCD, la commune d'Iferhounène a bénéficié d'un projet de revêtement de deux pistes reliant les villages de Tikilsa et de Laâzib, ainsi que l'achat d'un minibus pour le renforcement du ramassage scolaire. En raison de l'état de dégradation avancé du chemin communal reliant Tizi Bourren-Imsouhel, un tronçon routier appelé communément la ceinture Ittorah, un projet de revêtement en tapis a été octroyé sur une distance de 4 km, mais les travaux de réalisation, nous signale-t-on, tardent toujours à voir le jour. Hormis l'unique programme de 20 logements à caractère social qui vient d'être achevé au chef-lieu communal pour un nombre de demandeurs qui dépasse selon une source 2 000, deux autres programmes de 40 logements sociaux, relevant de l'OPGI, accusent toujours un retard considérable quant à leur lancement dans cette commune. Toutefois, pour permettre à cette petite localité de devenir un véritable centre urbain, l'APC d'Iferhounène envisage d'implanter différents équipements publics et infrastructures sportives dans la réserve foncière communale de 9 hectares qui vient d'être intégrée au PDAU suite à une étude d'aménagement urbain au lieudit Bougrou vers le village de Béchar. Ainsi, plusieurs édifices publics tels la construction d'un nouveau siège de l'APC, l'implantation de 100 locaux commerciaux au profit des jeunes chômeurs, la réalisation de deux salles sportives spécialisées, un terrain combiné et une aire de jeux, récemment octroyés par la direction de la jeunesse et des sports de la wilaya y sont prévus incessamment sur ce lieu, apprend-on auprès de l'APC. La jeunesse à la croisée des chemins En raison de l'absence de prise en charge et d'infrastructures de jeunes (salle de sport, centre culturel et stade) indispensables à l'épanouissement de la frange juvénile dans la région d'Iferhounène, qui connaît ces derniers temps une réalité peu reluisante et un véritable passage à vide en matière d'activités culturelles et sportives et loisirs, ces jeunes se trouvent désormais à la croisée des chemins. Ainsi, l‘unique structure des jeunes existantes sur le territoire de cette commune, à savoir la maison des jeunes, située très loin du chef-lieu de la commune, est depuis le début de cette année à l'arrêt arrêt, et ce, en raison des travaux de réhabilitation qui touchent l'intérieur de cette infrastructure. Ainsi, cette structure des jeunes qui a été touchée lors des intempéries de l'année dernière, a bénéficié d'un projet important d'aménagement de toute l'infrastructure pour une enveloppe financière évaluée à plus d'un milliard de centimes pour la réalisation d'un mur de soutènement, d'une médiathèque, d'un magasin, de sanitaires, d'une loge et d‘autres travaux d'embellissement, de peinture et de boiserie, mais en raison du retard accusé dans l'achèvement de ces travaux, les activités de cette maison des jeunes demeurent en fait à l'arrêt. A ce propos, un jeune de cette localité nous dira : “Des fléaux sociaux, en particulier la drogue et le suicide, guettent de plus en plus nos jeunes qui sont plus que jamais livrés à eux-mêmes d'autant que l'absence d'espaces de loisirs et de distraction ne peut qu'accentuer la situation de marasme et de désolation dans laquelle se trouve la majorité de nos jeunes.” Inchaben, métier traditionnel de fabrication de bois Là-haut au pied de la montagne du Djurdjura, chaque région ou village de la Kabylie est différent de l'autre par le cachet traditionnel qui le distingue. Parmi les métiers traditionnels qui ont résisté aux aléas du déclin et de la disparition, les tourneurs de bois, appelés communément en kabyle inchaben. Il s'agit d'un métier purement local, qui dépend entièrement de la disponibilité du bois local, à savoir le frêne (asslen, ibikess, assegherssif...) Des espèces végétales d'une extrême importance tant pour l'équilibre du milieu naturel que pour la survie de la population grâce, notamment aux multiples usages pour la qualité des sous-bois et l'alimentation de leur bétail. Le village de Laâzib (commune d'Iferhounene) a pu préserver et perpétuer ce métier du travail du bois grâce à la nouvelle génération. Ce métier traditionnel, dont seuls les jeunes de ce village connaissent les secrets et y excellent à la perfection. Ils l'ont hérité de père en fils, mais avec des méthodes de travail et des moyens différents. Ils sont en tout une quarantaine de jeunes à l'avoir adoptée comme profession et moyen de gagner leur vie. “Chez-nous au village, nous n'avons pas de chômeurs, encore moins de jeunes qui traînent dans les rues sans rien faire. Grâce à ce métier, on a réussi à intégrer tous les jeunes recalés du système éducatif pour l'apprentissage du métier”, nous dira un jeune propriétaire d'un atelier, sur la route menant du chef-lieu d'Iferhounene vers le lycée polyvalent. On peut cependant remarquer aisément la prolifération de ce genre d'atelier, une dizaine, installés à Iferhounene, de quoi attirer l'attention et la curiosité des visiteurs de passage. Ces jeunes artisans chez qui on peut déceler une certaine dynamique ont, contrairement à leurs prédécesseurs qui les ont initiés au métier, réussi évidemment à moderniser cet art traditionnel en introduisant le tour à bois électrique. Une véritable aubaine pour ces jeunes, tous issus du même village, qui ont installé leur propre atelier de fabrication de différents objets, ustensiles de cuisine et autres produits de décoration réalisés sur le bois local qui s'arrache comme des petits pains. “Des clients viennent des quatre coins du pays pour commander la marchandise en vue d'approvisionner des magasins d'objets traditionnels et salons d'exposition”, nous indiquera un artisan d'un air fier. Des objets fabriqués avec dextérité avec du bois de frêne et autres arbres de la région comme les assiettes de bois, les rouleaux, les plats et toutes sortes de récipients très appréciés par les ménagères. “La saveur diffère selon que le plat a été préparé dans un plat fabriqué en bois de frêne et un autre dans un autre matériau”, nous dira un client. Mais ce métier, qui n'est pas reconnu comme un art traditionnel, est confronté selon ces artisans à une multitude de difficultés, entre autres la cherté de l'essence, d'électricité, des pièces de rechange et également à la rareté du bois. Sur ce point, il est à signaler qu'avec le rythme des coupes d'arbres souvent effrénées et illicites dans les forêts de la Grande-Kabylie, plusieurs espèces de ces arbres qui ne s'accommodent que des sols de cette région montagneuse, risquent d'être menacées de disparition. F. M.