Dans l'hypothèse pessimiste, les cours atteindraient l'an prochain entre 27 et 30 dollars le baril. Les cours du pétrole brut sur les marchés internationaux atteignent des valeurs sans précédent. Pour la première fois, le prix du baril de WTI à New York a dépassé le seuil de 53 dollars et le prix du baril de Brent à Londres le seuil de 49,71 dollars. Dans un document, l'Institut français du pétrole propose l'analyse des facteurs à l'origine de cette situation et un panorama des scénarios d'évolution possibles. Le premier scénario, la poursuite de la situation actuelle, aucune perturbation des approvisionnements physiques n'est observée. La situation se normalise au Venezuela, l'Irak conserve un volume d'exportation au moins égal à celui du début de l'année 2004, le contentieux de la compagnie Youkos trouve une issue et le volume de la production russe n'est pas affecté, la situation interne de l'Arabie Saoudite reste stable. Les conditions climatiques de l'hiver 2004-2005 sont normales aux Etats-Unis et en Europe. Le marché gazier américain bénéficie de niveaux de stockage suffisamment élevés pour conserver le prix du gaz en deçà de 6 $/MBtu. La demande pétrolière mondiale conserve un rythme de croissance soutenu de l'ordre de 1,5 mb/j, mais inférieur à celui des 12 derniers mois, traduisant les premiers signes de réaction à la période de prix supérieurs à 35 $ (WTI) depuis plus de 8 mois. Le pic de consommation hivernal s'établit entre 82 et 83 mb/j si une saisonnalité normale est respectée. La saturation des capacités de l'Opep, en dépit d'un ultime effort de la part de l'Arabie Saoudite qui produit près de 10,5 mb/j, ne permet toutefois pas de reconstituer les stocks de brut et de produits raffinés au-delà des niveaux moyens des 4 à 5 dernières années. La prime de risque associée aux facteurs géopolitiques tend à diminuer, mais le marché demeure susceptible de réagir avec nervosité à tout imprévu : le prix du baril de brut (WTI) évolue dans une fourchette de 35 à 40 dollars. Le second scénario, l'un des grands pays exportateurs est l'objet d'une déstabilisation majeure affectant durablement les volumes exportés : attentats visant les infrastructures pétrolières (pipelines reliant les principaux terminaux d'exportation, sites de production, tankers) en Arabie Saoudite, chaos généralisé en Irak, troubles politiques au Venezuela... L'offre n'est plus en mesure de satisfaire la demande à l'occasion du pic de consommation hivernal. Les stocks pétroliers dans les grands pays consommateurs atteignent les niveaux les plus bas jamais observés. Choc pétrolier : le brut à 80 dollars En dépit de l'utilisation concertée d'une fraction des stocks stratégiques, le prix du baril atteint les valeurs synonymes de choc pétrolier en 1979-1982 (80 dollars de 2003). Plusieurs secteurs économiques subissent une hausse violente des coûts de production : transports aérien et terrestre, agriculture, chimie. La hausse du prix du baril se propage aux autres marchés énergétiques (gaz, charbon, électricité) et génère une volatilité qui s'autoalimente. L'inflation est multipliée au minimum par un facteur 2. Les marchés financiers plongent et nourrissent des anticipations très négatives de la part des entreprises et des ménages. La croissance économique mondiale est immédiatement affectée. Le troisième scénario, l'atterrissage en douceur, aucun événement ne perturbe la production et les exportations des grands pays producteurs. La Chine, principal pilier de la croissance mondiale et asiatique en particulier, voit sa demande énergétique ralentir fortement sous l'effet de plusieurs facteurs internes : libéralisation des prix à la consommation, apparition de goulets d'étranglement, notamment dans la logistique, arrêt de la politique de stockage, mesures d'économie d'énergie drastiques. La demande pétrolière aux Etats-Unis stagne, répondant à retardement aux hausses de prix des derniers mois. Les autres pays occidentaux et les pays asiatiques suivent. La croissance de la demande pétrolière mondiale s'établit à environ 1 mb/j. Le retour de capacités de production excédentaires au sein de l'Opep, de l'ordre de 2% des capacités mondiales, et une certaine reconstitution des stocks dans les pays de l'OCDE ramènent le prix du baril brut (WTI) vers 30 dollars et le Brent à 27 dollars. La tendance baissière par rapport à 2003 et début 2004 relance le débat sur l'objectif de prix de l'Opep et des tensions internes à l'organisation dans l'attribution et le respect des quotas de production. La question des capacités de production n'est plus jugée prioritaire à court terme. M. R.