La colère des Nigérians, dont 80% vivent avec moins d'un dollar par jour, risque de mettre le régime d'Olusegun Obasanjo en péril. Il fait face à un puissant syndicat dont l'appel à la grève est massivement suivi. Affaibli par les perpétuelles guerres religieuses opposant les chrétiens du Sud aux musulmans du Nord, le Nigeria traverse une période très difficile avec la grève de quatre jours déclenchée avant-hier par le Congrès national du travail, principal syndicat du pays. Il faut dire que l'appel à la grève est massivement suivi, à en croire les informations en provenance de Lagos et d'Abuja, les deux principales villes nigérianes. Adams Oshiomhole, le président de l'organisation syndicale, a mis le feu aux poudres en lançant son appel. Son arrestation samedi matin par les services secrets locaux, avant qu'il ne soit relâché le lendemain matin, a exacerbé la tension. A travers ce mouvement de grève, dont l'origine est l'augmentation des prix des carburants, les Nigérians crient leur colère contre le régime en place. Ils ne comprennent pas pourquoi la grande majorité d'entre eux éprouve toutes les peines du monde à survivre, alors que le Nigeria est le premier producteur africain et sixième mondial de pétrole. L'incompréhension est d'autant plus grande quand ils voient que le prix de l'or noir dépasser les 50 dollars, soit le double du prix sur lequel misait le gouvernement dans le calcul de la loi des finances. Ils estiment que le minimum que l'Etat puisse faire pour eux est un tarif de carburants à la portée de tous. Cette grève, la seconde en six mois, est prévue pour une durée de quatre jours dans un premier temps. Elle pourrait être reconduite quinze jours après si les revendications ne sont pas satisfaites. Selon les dirigeants du syndicat initiateur de la grève, le prochain mouvement sera illimité et constituera un véritable bras de fer avec les pouvoirs publics. Le plus grand danger demeure l'interruption de la production de pétrole qui aura inévitablement des répercussions négatives sur l'économie chance lante du Nigeria. Jusqu'à hier, le secteur des hydrocarbures n'a pas été touché par le mouvement de grève. L'ire de la population contre le gouvernement d'Obasanjo ne semble pas avoir de limite parmi la population nigériane. Le fait que plusieurs associations et autres organisations de la société civile ont joint leur voix à celle du Congrès national du travail est un signe qui ne trompe pas quant à la gravité de la crise sociale à laquelle font face les Nigérians. Pays le plus peuplé d'Afrique avec 130 millions d'habitants, le Nigeria est un géant aux pieds d'argile, dont le régime est menacé d'effondrement. Sur le plan humanitaire, la situation est catastrophique tant les épidémies, notamment infantiles, sont légion. C'est dire la difficulté devant laquelle se retrouve le président Olusegun Obasanjo, réélu pour rappel l'année dernière à la suite d'un scrutin entaché de contestations. Sa tentative de mettre un terme à la grève à travers l'installation lundi soir d'un comité spécial de conciliation sur les prix des carburants n'a pas abouti. K. A.