Les pouvoirs publics devraient lire et relire le livre écrit par Nordine Grim, L'économie algérienne otage de la politique. L'auteur, un ex-cadre du secteur public économique et actuellement journaliste, fait le point sur le processus de réformes économiques entrepris par l'Algérie depuis son lancement 1988. L'Economie algérienne otage de la politique, explique, chiffres et documents à l'appui, comment le processus d'ouverture de l'économie nationale a été dévoyé par l'instabilité politique et l'ingérence de l'administration, qui ont fait perdre la cohérence que les réformes semblaient avoir au lancement. “Otage de la politique et des turbulences sociales, les réformes économiques ont perdu, au fil des ans, leur cohérence et les objectifs qui leur étaient initialement fixés”, écrit Nordine Grim. Cet observateur privilégié de la scène économique, notamment dans le volet des réformes qu'il connaît bien pour avoir participé à leur mise en œuvre au niveau des fonds de participation et des holdings publics dans lesquels il a travaillé durant plus de dix ans, note que “les modifications et autres abrogations apportées aux textes fondamentaux de la réforme par la dizaine de chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 1988, ont compliqué la lisibilité de cette réforme”. C'est pourquoi l'auteur lance l'idée “d'une conférence nationale sur l'économie à la faveur de laquelle serait débattu à la lumière d'un état des lieux sans complaisance de l'économie algérienne, de la stratégie à adopter dans le court et le moyen termes pour instaurer un système de marché irréversible”. C'est que Nordine Grim dresse un bilan mitigé de quinze années de réformes économiques. Ce bilan mitigé est parfaitement illustré par l'échec du processus de privatisation. En effet, depuis 1995, en dehors des cas du complexe sidérurgique d'El-Hadjar et des usines de détergents de l'Enad, et hormis la cession d'actifs d'environ 650 entreprises publiques locales dissoutes, aucune autre grande entreprise n'a été privatisée. L'auteur insiste, à juste titre, sur la nécessité pour les entreprises algériennes de s'affranchir des tutelles pour devenir d'authentiques firmes souveraines de leur décision. Mais peuvent-elles le devenir en l'absence des mécanismes de l'économie de marché, qui sont les marchés bancaire, de change, foncier et immobilier et autres éléments structurants de l'économie libérale. Elles ne peuvent le faire sans la mise à niveau de l'administration publique, devenue un obstacle majeur à l'émergence de l'économie de marché et à la promotion des investissements. M. R.