Liberté : Depuis quelques heures, Yasser Arafat se trouve dans un coma profond. Quelles seront les répercussions d'une éventuelle disparition du président palestinien sur la situation dans les territoires autonomes ? Agnès Levallois : Il faut s'attendre à un véritable choc chez la population palestinienne. Un peu de temps sera nécessaire avant qu'elle ne digère la disparition de son président. D'un point de vue constitutionnelle, les choses sont arrangées depuis longtemps. La législation palestinienne est en effet claire : c'est le président du Conseil législatif, l'équivalent du parlement, qui assurera l'intérim pendant 60 jours. À l'issue de cette période de transition, une élection présidentielle sera organisée. Mais la situation difficile dans les territoires palestiniens (violences quotidiennes, présence permanente de soldats israéliens dans plusieurs villes palestiniennes…) rend l'organisation d'un scrutin présidentiel difficile. Dans ce contexte, un accord entre l'Autorité palestinienne et Israël paraît inévitable. Yasser Arafat est un leader charismatique dont le nom est associé au combat du peuple palestinien pour l'indépendance. Quelle est la personnalité palestinienne capable de le remplacer ? Aujourd'hui, il n'y a aucun palestinien capable de remplacer Arafat. Aucune personnalité palestinienne n'est en mesure de récupérer et d'assumer l'ensemble des fonctions assurées par Yasser Arafat. Je crois que la solution sera un partage des rôles entre trois personnalités : Abou Mazen, Abou Alla et sans doute Farouk Kadoumi. Ils assumeront chacun un rôle de dirigeant dans la future direction palestinienne. Quel sera l'impact des ces changements futurs sur les relations avec Israël et le processus de paix au Proche-Orient ? Depuis quelques mois, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, justifie son refus de discuter avec les Palestiniens par l'absence chez ces derniers d'un interlocuteur crédible. Maintenant, les dirigeants israéliens doivent se déterminer plus clairement et expliquer leur position sur le processus de paix. Si Par exemple, Abou Mazen occupe des fonctions importantes dans les futures structures dirigeantes palestiniennes, les relations avec Israël pourraient être plus faciles. Mais le problème est maintenant du côté israélien. Les actions qu'ils mèneront dans les prochaines semaines constitueront un véritable test quant à leur volonté réelle de faire la paix avec les Palestiniens. Le traitement qui sera réservé au cas de Marouan Barghouti est à regarder de très près. Ce jeune dirigeant du Fatah, condamné et détenu dans une prison israélienne, est très populaire dans les territoires palestiniens. S'il est libéré et réhabilité, il peut devenir un véritable interlocuteur crédible pour le gouvernement israélien. Alors que Yasser Arafat est encore officiellement vivant, une vive polémique a éclaté sur le lieu où il sera enterré. Peut-on s'attendre à une forte présence des chefs d'Etat du monde entier à ses obsèques ? Tout d'abord, la venue ou nom de délégations de chefs d'Etats étrangers dépendra beaucoup de l'endroit où il sera enterré. Si par exemple, l'enterrement a lieu à Gaza comme le veut le gouvernement israélien, il sera difficile d'assurer la sécurité des chefs d'Etat étrangers qui se rendraient sur place. Par ailleurs, comme on assiste depuis quelques années à une remise en cause de la personnalité de Yasser Arafat par les chefs d'Etat occidentaux, il est peu probable que ces derniers soient présents en masse à ses obsèques. L. G.