Avec la probable disparition du leader emblématique palestinien, c'est une page de la lutte héroïque de ce peuple pour l'indépendance qui est tournée. C'est dans la mort que l'on reconnaît l'envergure d'une personnalité, et cela se vérifie pour le président palestinien Yasser Arafat qui, hier encore, lutte contre la mort, devenue probable depuis son passage dans un «coma plus profond» selon un communiqué du porte-parole de l'hôpital des armées, à Clamart (région parisienne) où il a été admis le 29 octobre, mobilisant autour de lui les sommités de la médecine française et sur la santé duquel même le président américain George W.Bush, -qui l'a ignoré durant tout son premier mandat-, s'est enquis auprès du président français Jacques Chirac. Mohamed Raouf Arafat Al-Kidwa Al-Husseini, dit Yasser Arafat, et connu aussi sous son nom de guerre d'Abou Ammar, a consacré 60 années de sa vie à lutter pour la résurrection de l'Etat palestinien. Aujourd'hui, au seuil de la mort, s'il n'a pu exaucer son voeu de prier à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est, il a en revanche fait avancer la cause du peuple palestinien et imposé le combat de ce peuple comme un droit universel. En vérité, Arafat est devenu, au long de ces années de combat, un mythe, une icône comme diraient d'aucuns, qui s'est voué corps et âme à une seule cause, qui a eu un seul amour: la Palestine, dont hélas, il ne verra pas, de son vivant, le nom réhabilité dans le concert des Nations. Aussi, la succession de ce Géant n'est ni évidente ni acquise car, il est difficile de remplacer un personnage tonique et irremplaçable. Sur un autre plan, la disparition du président Arafat pourrait faciliter bien des choses et ouvrir la voie à une autre approche de la solution du conflit israélo-palestinien dans l'intérêt des deux communautés palestinienne et juive, lesquelles cohabitent dans l'ancienne Palestine historique. De fait, la succession d'Arafat sera très difficile et ne sera pas, pour son successeur, une sinécure. Loin de là, car, ne disposant ni du charisme du leader emblématique ni de son entregent -qui a fait de Yasser Arafat le dirigeant arabe le plus présent sur les dossiers qui ont secoué ces dernières années le Moyen-Orient-, «l'héritier» du président Arafat devra avoir une force de caractère à toute épreuve au moins égale à celle d'Abou Ammar qui n'a jamais perdu de vue les intérêts de la nation palestinienne (cf, la manière avec laquelle Arafat, isolé à Camp David, a résisté aux pressions du président américain Bill Clinton et du Premier ministre israélien, Ehud Barak qui le pressaient, en juillet 2000, d'entériner une capitulation des Palestiniens sur leur droit à un Etat viable et au retour des réfugiés). En revanche, une nouvelle direction palestinienne aura la possibilité d'ouvrir de nouvelles perspectives au processus de paix gelé depuis 1995 par les Premiers ministres israéliens (successivement Benyamin Natanyahu et Ehud Barak) et enterré par Ariel Sharon en mars 2001 par le génocide commis à Jenine. De fait, Sharon s'est, dans la foulée, servi de la Feuille de route (plan de paix international) pour vouloir imposer la seule vision d'Israël du processus de paix, énonçant au passage la «caducité» du président Arafat, dès lors mis en marge par les Israéliens et boycotté par le président américain, George W.Bush. Depuis, la Feuille de route, devenue erratique, est en stand-by. Aussi, la disparition du président Arafat qui constituait un obstacle pour les Israéliens du fait de sa fermeté sur le dossier palestinien, l'est également, paradoxalement, pour les responsables palestiniens, étouffés par l'envergure et le symbolisme que représentait pour le peuple palestinien Abou Ammar. Il faut relever que depuis la subite détérioration de l'état de santé du président Arafat, les dirigeants palestiniens ont su relever le défi, retrouvant le sens du travail collégial, prenant les décisions collectivement, se consultant les uns les autres. Cela a eu ainsi le mérite de montrer et de rendre visible, le fait qu'au delà du président Arafat -qui focalisait sur lui les tensions et les feux de l'actualité-, il existe bel et bien une direction palestinienne solidaire quoique ne partageant pas toujours les mêmes priorités. Ce qui dénote a contrario un sens de la démocratie certain. Ce que, de fait, n'a pas manqué de relever le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, qui déclarait mardi à Mexico avoir été «impressionné» par les dirigeants palestiniens indiquant à la presse: «Depuis que Arafat a été hospitalisé à Paris, j'ai été très impressionné par la manière avec laquelle les leaders palestiniens, là-bas, dans les territoires discutent entre eux et avancent dans leurs discussions», ajoutant: «Nous sommes en contact avec toutes les parties. Le président l'a dit clairement, et moi aussi: nous sommes prêts à nous engager aussitôt qu'il sera approprié pour nous de le faire». Les Américains seront-ils amenés à changer d'attitude envers le dossier palestinien et s'impliquer davantage dans la mise en oeuvre de la Feuille de route qui prévoit l'établissement d'un Etat palestinien à l'horizon 2005? Les évènements des jours à venir clarifieront davantage le futur du processus de paix au Proche-Orient et sans doute détermineront les voies et moyens de sa mise en application.